Combien gagnez-vous?

Ah, la question sur le salaire tant redoutée; un mal pourtant nécessaire dans tout processus de recrutement… Mais que se passerait-il si tout cela était sur le point de changer?

Le Massachusetts est devenu le premier (et le seul) État à avoir voté une loi interdisant aux employeurs de demander aux candidats de dévoiler leur historique de salaire avant de leur offrir un emploi. Cette nouvelle loi, qui entrera en vigueur en juillet 2018, est la première du genre aux États-Unis. Elle est vantée comme un modèle à suivre par d'autres[1].

Cette loi est assez simple; il est maintenant illégal de demander à un candidat des informations sur ses précédents salaires. Par conséquent, la responsabilité revient au recruteur de proposer une rémunération basée sur la juste valeur perçue du candidat pour l'entreprise. Concrètement, une telle loi oblige de nombreux responsables du recrutement à repenser leur approche en matière de négociations salariales. Il est de notoriété publique que les entreprises et leurs responsables du recrutement travaillent avec des fourchettes salariales et des budgets prédéterminés. Toutefois, lorsqu'un candidat s'informe sur le salaire offert, souvent (a) aucune réponse ne lui est fournie, (b) la réponse demeure floue et suggère que le salaire sera ajusté au profil du candidat, (c) la réponse consiste à renvoyer la balle en lui demandant ce que pourrait être à ses yeux une fourchette raisonnable, (d) la réponse sous-tend que sa motivation ne repose que sur le salaire et ne parait pas saine. Ironique, mais tellement vrai!

Avec la mise en place de cette nouvelle loi, il est révolu le temps où le salaire du candidat servait de base au recruteur, auquel il ajoutait 5 à 15 % pour établir un nouveau salaire juste un peu plus attirant. Avec ce nouveau système, les candidats n'auront plus le regret permanent de se dire qu'ils auraient pu recevoir une meilleure offre s'ils avaient majoré leurs rémunérations précédentes. En forçant les entreprises à dévoiler leurs cartes en premier lorsqu'il est question du salaire d'un poste, les candidats peuvent enfin améliorer leurs conditions et atteindre des salaires plus enviables. L'équité en matière de salaire et d'emploi ne représente d'ailleurs qu'une première étape. Cette nouvelle loi comporte effectivement un objectif très progressiste et prévoit aussi des moyens suffisants pour l'atteindre.

L'écart salarial entre hommes et femmes constitue un problème permanent dans nos sociétés, et notamment un sujet d'élection particulièrement brûlant chez nos amis américains. Bien que des lois sur l'équité salariale existent aux États-Unis, aucune n'a réellement réussi à changer la donne. Cette nouvelle loi de l'État du Massachusetts représente une avancée significative, non seulement car elle corrige des mauvaises pratiques de recrutement, mais aussi parce qu'elle contribuera nécessairement à réduire les écarts salariaux. C'est un fait que les minorités et les femmes sont historiquement plus susceptibles d'accepter un salaire plus faible que les hommes, pour diverses raisons. Cette différence salariale entre hommes et femmes persiste aussi, car de nombreux employeurs prennent souvent en compte les précédentes rémunérations du candidat pour proposer une offre salariale. En refusant de négocier ou en acceptant un salaire plus bas, les femmes et les minorités ont pris un très grand retard; leur antécédent salarial va les suivre pour encore quelque temps. Concrètement, cette nouvelle loi force les entreprises à être plus objectives et transparentes dans leur processus de recrutement, avec l'espoir que le fossé salarial se rétrécisse à un moment.

Il est évident que le changement ne va pas se faire du jour au lendemain, mais je suis convaincue que cette nouvelle loi permet d'aller dans la bonne direction. En tant que professionnels des RH, nous pouvons prendre les devants et être proactifs dans notre propre processus de recrutement. En nous appuyant plutôt sur des grilles salariales bien documentées que sur un historique de rémunération individuelle et en encourageant les gestionnaires à estimer le salaire qu'ils pourraient verser pour une expertise donnée, nous pouvons, au quotidien, prendre part à l'érosion de l'écart salarial. Alors que cette nouvelle loi commence à prendre forme, d'autres États vont probablement adopter des législations comparables et, au Canada, nous ne devrions pas tarder à voir apparaître une politique semblable.

[1] http://money.cnn.com/2016/08/02/pf/jobs/massachusetts-pay-equity-law/

 

 

Mme Duncan est consultante principale pour le compte d'Odgers Berndtson, à Montréal. Elle est spécialisée dans l'évaluation, l'identification et le recrutement de cadres supérieurs et de membres de la haute direction pour un large éventail de secteurs d'activité au Québec. Son expérience en gestion de projet et en conseil international, ses excellents rapports avec les candidats et ses compétences analytiques supérieures lui permettent de découvrir et de présenter des professionnels de haut niveau auprès de grands organismes publics, d'entreprises du secteur privé ou encore du monde universitaire.

Avant de se joindre à Odgers Berndtson, Mme Duncan a œuvré pour une organisation multinationale de technologie et de services-conseils en Allemagne où elle a participé à la conception, au développement et à la diffusion d'une enquête mondiale sur l'engagement du personnel auprès de plus de 35 000 personnes. Elle détient une maîtrise ès sciences en gestion, avec une spécialisation en affaires internationales, de l'École de commerce Richard Ivey. Elle a aussi obtenu un baccalauréat en études organisationnelles et de gestion, avec une spécialisation en finance, de l'Université Western.

http://www.odgersberndtson.com/en-gb/people/nicole-duncan

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