Entrevue : M. Éric Lapointe

M. Éric Lapointe, Directeur Rémunération Globale de Transcontinental Inc.

Bonjour M. Lapointe, pouvez-vous succinctement décrire vos principales responsabilités chez Transcontinental?

Mon rôle consiste à élaborer et mettre en place des stratégies de rémunération globale visant à supporter les orientations de l’entreprise dans la gestion de ses ressources humaines. La politique salariale, les programmes de rémunération variables, les politiques de ressources humaines, le régime de retraite et les programmes d’assurance sont autant d’outils pouvant être utilisés en support de ces stratégies.

Quels sont les éléments de votre poste que vous trouvez les plus difficiles, les plus passionnants, les moins passionnants?

La rémunération revient souvent à une question de perception (de sa propre rémunération par rapport à celle des autres); les faits sont là mais la perception demeure et il faut quelquefois travailler fort pour les rétablir. De plus, nous vivons une période intense de changements. Que l’on pense aux défis que constituent la viabilité financière de nos régimes de retraite, à l’introduction des nouvelles règles de gouvernance, du fossé dans les besoins entre les générations « X » et « Y », de l’équilibre travail / famille, etc. Cet environnement très dynamique nécessite une mise à jour constante mais est également propice à de nouvelles réalisations.

Quel a été votre parcours pour accéder à vos actuelles responsabilités?

Diplômé en administration des affaires du HEC en 1988, j’ai passé tout près de la moitié de ma carrière comme généraliste en ressources humaines dans différentes entreprises (ABB, Vidéotron) avant de passer en rémunération en 1995.

Quel parcours conseilleriez-vous aujourd’hui à un jeune professionnel pour accéder à ces fonctions?

Personnellement, je crois qu’en rémunération le meilleur chemin n’est pas toujours le plus direct. Une bonne expérience à titre de généraliste permet de mieux comprendre la perspective du professionnel sur le terrain et ses besoins en tant que client des fonctions spécialistes. De plus, le fait de passer quelques années comme généraliste permet aussi de tester l’intérêt du domaine de la rémunération globale qui est très technique. C’est en fait une job de « chiffres » autant qu’une job de « personnes » et ce n’est pas donné à tous d’être à l’aise dans cet environnement.

Appartenez-vous à des associations ou ordres professionnels?

Je suis membre en règle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles du Québec depuis 1991 mais j’ai également adhéré à l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA) ainsi qu’à World at Work qui sont toutes d’excellentes sources d’information et de réseautage.

Comment faites-vous pour garder vos connaissances à jour?

Outre les sources décrites précédemment, par le biais d’articles dans les revues spécialisées sur le web, en assistant à des séminaires et par le réseau de contacts.

Quels sont les enjeux de Transcontinental pour les 10 prochaines années?

Transcontinental a des plans d’expansion en Amérique du Nord pour les années qui viennent, à travers ses créneaux d’intérêt :

  • L’impression de journaux avec notre modèle unique de sous-traitance;
  • Le marketing direct aux États-Unis, où on est déjà le plus important fournisseur pour le secteur d’institutions financières;
  • Les magazines destinés aux consommateurs, un créneau où on est numéro un au pays;
  • L’édition de journaux communautaires – on possède plus de 160 titres au pays ;
  • L’impression de livres – on construit une nouvelle usine à Louiseville, qui sera un bijou technologique.

Dans ce dernier créneau, comme certaines organisations, nous commençons à ressentir l’impact de la mondialisation. Une puissance économique en devenir comme la Chine constituera sans doute d’ici quelques années un compétiteur de taille bien que l’impact immédiat demeure, pour le moment, limité. Pour nos activités d’édition et d’impressions plus ponctuelles (ex.:journaux, magazines), il n’y a pas de crainte.

La hausse des coûts énergétiques, la consolidation des clients, la faiblesse du dollar canadien et l’impact d’Internet en complément des médias écrits sont autant d’autres facteurs avec lesquels l’industrie de l’impression devra s’adapter au cours des prochaines années. On a bien sûr des stratégies en place pour contrer chacun de ces enjeux.

Du point de vue de la gestion des ressources humaines, il faudra aussi compter sur des difficultés croissantes d’acquisition et de rétention de ressources en raison du vieillissement de la population, d’une plus grande variété dans les besoins de la main-d’œuvre, des enjeux dans l’organisation du travail et j’en passe.

Est-ce à dire que la « guerre des talents » a commencé ?

Je ne crois pas que l’on puisse parler déjà de guerre des talents mais dans certains domaines tels la finance ou l’informatique, on constate des périodes de recrutement plus longues qu’auparavant.

Qu’est-ce que cela implique pour le futur du point de vue de la rémunération et de la gestion des ressources humaines ?

Premièrement, il faudra faire preuve de créativité dans la personnalisation des offres d’emplois afin de nous démarquer de la concurrence. En effet, les ressources disponibles auront fort probablement le privilège de choisir leur employeur en fonction de leurs intérêts et de leurs besoins. Prenez par exemple les différences de générations. Selon moi, les X et les Y veulent exactement la même chose : réussir leur vie professionnelle et personnelle. On peut néanmoins s’attendre à devoir revoir plusieurs de nos pratiques actuelles et par le fait même introduire une flexibilité accrue dans le traitement de la rémunération globale, ce qu’on appelle l’offre « cafétéria ».

Le groupe a-t-il opéré, ces dernières années, des changements importants dans son organisation?

Transcontinental est une organisation qui fonde sa croissance essentiellement sur trois piliers : ses actionnaires, ses clients et ses employés. Ceux-ci sont donc très importants pour nous. Avec l’avènement de nouvelles technologies dans le domaine de l’impression, il nous est désormais plus facile de solliciter notre main-d’œuvre sur d’autres aspects que le côté purement technique, c’est pourquoi certaines de nos usines opèrent déjà dans un mode de gestion participatif où les employés détiennent des responsabilités dans une ou plusieurs sphères de la gestion. Cette philosophie nous permet de développer nos ressources tout en mettant à profit leur créativité et leur expertise.

Comment la fonction ressources humaines a-t-elle contribué à la gestion de ces changements, comment cela affecte-t-il une politique de rémunération?

Une unité d’affaires où l’encadrement est assumé par les employés ne se gère pas comme une usine traditionnelle. Il faut donner plus de marge de manœuvre, fournir un bon coaching, encourager l’acquisition de connaissances, etc. Une gestion des ressources humaines traditionnelle (et ceci vaut également pour la gestion de la rémunération) ne fonctionnerait pas aussi bien dans cet environnement. Il faut donc revoir nos façons de faire et les adapter. Il est évident que la rémunération variable dans ce contexte prend davantage d’importance en raison de l’implication accrue de nos employés dans la prise de décision.

Le texte fondateur de l’équité salariale fête ses 10 ans cette année, comment une entreprise de plusieurs milliers de collaborateurs s’y prend-elle pour veiller à sa correcte application?

Une grande partie du succès d’une telle démarche passe par l’imputabilité des intervenants puisqu’il est difficile de garder cette démarche totalement centralisée. On ne peut toutefois parler d’imputabilité que dans la mesure où ces intervenants ont intégré les principes de l’équité salariale et dans la mesure où les outils adéquats ont été mis à leur disposition.

Nous approchons à grand pas de la fin de l’exercice comptable, cela rime souvent avec la période de budget. Comment établit-on un budget annuel des charges de personnel de plusieurs milliers d’employés?

C’est effectivement un grand défi de suivre cette dépense mais comme Transcontinental opère de façon décentralisée, les sommes sont d’abord présentées au niveau de l’unité d’affaires pour être finalement consolidées au niveau du groupe, du secteur et ultimement au niveau de l’entreprise.

La loi sur la gouvernance d’entreprise au Canada (ou Sarbannes-Oxley aux États-Unis) mise en place après les scandales financiers du début de la décennie, a-t-elle changé quelque chose sur les politiques de rémunération?

Nous ressentons une implication accrue du conseil d’administration et du Comité des ressources humaines et de rémunération ce qui se traduit par de plus nombreuses demandes d’analyses, un reporting accru mais aussi plus de prudence dans la prise de décision.

La rémunération des dirigeants est-elle aujourd’hui plus surveillée?

Effectivement, les nouvelles règles de divulgation nous obligent à plus de transparence envers les actionnaires. Nous devons désormais inclure des sources de revenu qui n’étaient pas communiquées auparavant, telles les prestations de retraite.

Les performances de l’entreprise (sur lesquelles repose souvent une large part de la rémunération de ses dirigeants) sont-elles davantage évaluées sur le long-terme ?

C’est une tendance actuelle du marché de rémunérer sur les résultats à plus long-terme. En effet, on rémunère nos dirigeants pour prendre des décisions et on leur donne un échéancier pour faire la démonstration qu’ils avaient raison.

Qu’appelez-vous long-terme dans ce contexte ?

On parle généralement d’un horizon de trois ans.

Quel type de système de rémunération incitatif Transcontinental a-t-il mis en place aux niveaux individuel, groupe et entreprise?

Sur une base locale certaines de nos unités disposent de programmes de partage de profits ou de gains de productivité en fonction du contexte de chaque unité. Nous disposons également d’un régime incitatif à court terme, lequel reconnaît la contribution de tous en fonction des résultats et son calcul diffère selon l’appartenance à l’unité, le groupe, le secteur ou l’entreprise.

Sur quels critères et à quelle fréquence l’efficacité de ces systèmes est elle évaluée?

Je crois que dans le milieu de la rémunération, il est impossible de prédire avec précision combien de temps durera un programme. Il faut savoir s’adapter aux besoins changeants de l’organisation, du marché et de l’environnement législatif sans quoi ces programmes perdent tôt ou tard de leur valeur. L’aspect vigie revêt alors toute son importance dans l’organisation.

Transcontinental inc. est le septième plus important imprimeur en Amérique du Nord et le quatrième groupe de presse écrite au Canada. Transcontinental place au cœur de sa pratique d’affaires un ensemble de valeurs, dont le respect, l’innovation et l’intégrité. L’entreprise compte plus de 14 000 employés au Canada, aux États-Unis et au Mexique, et ses revenus ont été de 2,05 milliards de dollars en 2004. Les actions de Transcontinental sont inscrites à la Bourse de Toronto.

www.transcontinental.com

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