Entrevue : Michel Carnec

Entrevue :

Guy Delisle, directeur de la gestion de la performance des cadres supérieurs et Michel Carnec, directeur de la gestion des talents et du recrutement des cadres supérieurs chez Alcan, à Montréal. (Guy Delisle, directeur de la gestion de la performance des cadres supérieurs, a participé à l’entretien)

Chez Alcan, détecter les cadres dits à haut potentiel ne se limite pas à s'intéresser à une élite issue d'écoles prestigieuses et traditionnellement destinée à occuper les postes de direction dans les entreprises. Cela suppose de prendre en compte la performance, les compétences professionnelles et la qualification des individus. Depuis l’été dernier, Michel Carnec s’occupe de recruter les cadres chez Alcan, à Montréal. Avant M. Carnec était directeur des ressources humaines chez Pechiney, le géant français de l’aluminium. Mais Alcan a absorbé Pechiney en septembre 2003. M. Carnec, pourriez-vous me présenter brièvement la société Alcan? Alcan est le deuxième producteur mondial d’aluminium. C’est aussi l’un des principaux producteurs de produits usinés et un important fournisseur dans la plupart des secteurs de l’emballage. Alcan occupe la première place mondiale dans les emballages de produits alimentaires, de produits pharmaceutiques et cosmétiques, et la deuxième place dans les emballages de produits du tabac. Son chiffre d’affaires s’élève à 21 milliards $. Alcan, qui est présent dans 56 pays, compte environ 73 000 employés, dont 8 000 professionnels (possédant un diplôme universitaire). Combien y a -t-il de cadres à haut potentiel chez Alcan? Nous avons trois catégories de cadres à haut potentiel. Il y a d’abord les ressources émergeantes, qui sont des gens en début de carrière. Âgés de 28 à 35 ans, ils seront en mesure d'occuper des postes exécutifs d’ici cinq ans. Il y a ensuite les ressources stratégiques, qui sont à même de remplacer les personnes se rapportant directement aux présidents de groupes. Et enfin, il y a les hauts potentiels seniors, qui peuvent occuper des postes de présidents de groupes, de vice-présidents exécutifs et même de présidents. Actuellement, il y a environ 350 cadres à haut potentiel chez Alcan. Quelle est la politique de gestion des hauts potentiels chez Alcan? Sur quels critères les sélectionnez-vous? Chez Alcan, la gestion de la performance se fait selon un cycle annuel. Une fois que nous avons identifié des talents à haut potentiel, nous faisons, chaque année, un suivi particulier pour savoir si ceux-ci progressent au rythme attendu. Nous leur donnons des défis à accomplir, des assignations spéciales ou des promotions. Nous effectuons également la gestion de la relève pour identifier les successeurs de nos hauts potentiels. Le diplôme est loin d'être le seul critère de sélection pour être un haut potentiel chez Alcan. Avant tout, il faut avoir fait ses preuves. Les critères qui comptent sont le leadership, le sens du collectif, la mobilité internationale et enfin l'adaptabilité. Le potentiel d'un cadre se définit par une combinaison d'aptitudes : aptitude à évoluer dans son poste, à évoluer vers d'autres postes, à manager, à se développer et à devenir dirigeant. Comment motivez-vous et récompensez-vous ces cadres: salaire, intéressement et participation aux résultats de l'entreprise, stocks options, avantages en nature, primes…? Nous n’avons pas de système de rémunération particulière pour les hauts potentiels. Alcan leur exprime sa reconnaissance par des promotions (ils gravissent plus rapidement les échelons hiérarchiques et sont donc mieux rémunérés que les autres), des stocks options, des mandats spécifiques et des formations. De plus, l’entreprise n’hésite pas à dire à ses employés qu’ils font partie de l’élite. Quels impacts la fusion avec Pechiney a-t-elle eus sur les programmes de développement de carrière et sur les hauts potentiels d’Alcan ? Sur les hauts potentiels, cette fusion a permis d’intégrer les populations de Pechiney à Alcan. Nous sommes très attachés à ce que ces dernières soient le reflet du nouvel Alcan. L’intégration s’est faite sans discrimination. Alcan a acquis non seulement une entreprise mais également des talents. Dans les 35 000 employés que comptait Pechiney, ils y avaient des ressources de qualité et la principale tâche a été de les identifier. En 2004, les gestionnaires d’Alcan ont beaucoup travaillé sur les profils des gens de Pechiney. Comme résultat, une partie de ces personnes a été intégrée aux hauts potentiels d’Alcan et nommée à des postes stratégiques. De plus, plus du tiers des participants aux formations corporatives d’Alcan vient de Pechiney. Alcan a également organisé des programmes particuliers pour les salariés de Pechiney, et notamment un programme d’orientation pour être sûr que ces derniers comprennent bien dans quel environnement ils allaient désormais évoluer. Comment gérez-vous hauts potentiels, diversité culturelle et conflit de génération ? Tout d’abord, la différence d’âge n’est pas un critère que nous prenons en compte. Les critères sont, comme je vous le mentionnais précédemment, la performance et les résultats. Un individu est capable d’atteindre des résultats à n’importe quel âge. Par contre, nous sommes sensibles à la dimension interculturelle et à travers des séminaires, nous préparons nos salariés à cette dimension. Nous expatrions des personnes : des Montréalais ont ainsi pu partir travailler en Europe ou des Parisiens, comme moi, ont eu l’opportunité de venir vivre à Montréal. Systématiquement, nous accompagnons ces mouvements migratoires de tout un tas d’aides et de préparation interculturelle. Chez Alcan, le fait d’avoir des équipes de différentes nationalités est vu comme un enrichissement. Et le phénomène est de plus en plus fréquent. La population d’expatriés a triplé avec la fusion de Pechiney (elle est passée de 100 à 300). Pour l’entreprise, cette mobilité internationale est considérée comme étant un accélérateur de développement et de maturité. À ce propos, comment, du point de vue de la mobilité, une grande entreprise comme Alcan, fait pour gérer ses hauts potentiels ? Sont-ils vraiment mobiles ? Nous essayons de donner, très tôt, à nos hauts potentiels l’opportunité de vivre une expérience à l’étranger. Très souvent, c’est là qu’ils développent le goût du voyage. Quelqu’un qui, en début de carrière, a connu une expatriation est beaucoup plus ouvert à en vivre d’autres. Cela devient presque un mode de vie pour lui et sa famille. Ils en ont fait l’expérience une première fois et elle s’est avérée positive. Ils en redemandent. Cette mobilité internationale est un mode de développement privilégié chez Alcan. Mais comme tout le monde n’est pas mobile tout le temps, Alcan, qui développe des projets à court terme à l’étranger, permet à ses salariés de vivre une expatriation qui n’est pas permanente. La mobilité fait partie de la qualité de nos offres d’emploi, un individu qui postule chez Alcan aspire à une carrière internationale. Comment faire coïncider la gestion d'un haut potentiel et les nouvelles réalités de la génération Y ? Les jeunes d’aujourd’hui n’aspirent pas à rester dans une organisation pendant 30 ans, ils ne recherchent ni la sécurité de l’emploi, ni la croissance à l’ancienneté. Ils souhaitent plutôt évoluer dans un milieu de travail agréable, stimulant, où il y a du changement et où ils se développent. Le fait de pouvoir offrir à ces jeunes de telles conditions de travail peut faire la différence. Le fait de pouvoir apporter cette diversité, cette mobilité, ces occasions d’apprendre, c’est comme ça qu’Alcan intéresse, attire et retient les jeunes. C’est dans le style de la maison que d’avoir des gens accessibles, transparents et sympathiques. Alcan connaît-il des ratés: des cadres qui une fois au sommet craquent et s'effondrent? Considérez-vous la gestion des cadres à haut potentiel comme étant une gestion à haut risque? La gestion des cadres à haut potentiel n’est pas considérée comme étant à haut risque chez Alcan. Bien sûr, il y a toujours des ratés. Il y a des gens que nous avons écartés alors qu’ils étaient des hauts potentiels dans l’âme ou, au contraire, d’autres que nous avons reconnu comme étant des hauts potentiels et qui ne répondent pas aux attentes de l’entreprise. De toute façon, le fait de faire partie de l’élite est un privilège qui se renouvelle et se mérite chaque année. Les cadres sont suivis. Cette manière différente de faire permet à Alcan de minimiser les risques. C’est un système qui donne sa chance à tous, et pas seulement aux hauts potentiels.

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