Entrevue : Yves Williams

Entrevue :

Yves Williams, AgentSolo.com

Yves Williams fait partie des rescapés de l'ancienne "nouvelle économie". Cofondateur de La Toile du Québec et de Netgraphe qu’il a présidé jusqu’en 1999, cet entrepreneur a récidivé l’année dernière avec AgentSolo.com, le premier site au Canada s'adressant à la relation d'affaires entre les travailleurs autonomes et leurs clients. M. Williams nous dresse un premier bilan de cette nouvelle aventure. – Vous faites partie de la 1ère génération d’entreprenautes. Qu’avez-vous retiré de cette expérience ? En quoi cela vous a-t-il aidé dans le projet AgentSolo.com ? Cela m’a permis de développer une connaissance du marché. Le marché des Internautes est assez particulier. Il s’est stabilisé, des règles se sont développées aux cours des années. Les règles de 95 n’étaient pas celles de 97, ni celles de 2000 et encore moins celles de 2003. Il y a eu une adaptation. Le fait d’avoir été présent depuis si longtemps permet d’être assez près de la réalité et de ressentir le marché avant la plupart des gens. Ce n’est pas un marché qui est connu de façon théorique mais plutôt ressenti. Lorsque Martine Stéphanie et moi avons décidé en 2001 de démarrer AgentSolo.com, au regard de nos expériences passées, nous voulions aller vers un nouveau modèle qui n’avait plus aucun lien avec le modèle de rentabilisation par la publicité. Nous voulions aller vers le concept d’utilisateur/payeur. Le modèle contenu et utilisateur/payeur peut se matérialiser si l’on arrive à mettre en place une communauté qui s’arrime et se rassemble autour d’un intérêt fort. C’était tout de même une gageure pour nous d’arriver avec un site à contenu payant. La réponse est bonne jusqu’à maintenant. Avoir été un nouvel entrepreneur, on ne se serait probablement pas lancé avec la même certitude ni autant d’assurance. – Déjà en 96, La Toile du Québec possédait une section spéciale pour les travailleurs autonomes. Est-ce une passion chez vous les travailleurs autonomes ? En fait, ce n’est pas une passion pour moi mais par contre, c’est une réalité pour bien du monde. Il faut se remettre dans le contexte, à l’époque le Web était très personnel. Les travailleurs autonomes commençaient à utiliser le Web pour se faire connaître. Dès la première année, on a mis le répertoire des travailleurs autonomes sur La Toile. C’était juste un répertoire, mais déjà à l’époque, il avait une utilisation économique. Les affaires se faisaient grâce à ce répertoire. La seule différence avec les pages jaunes, c’est qu’on savait que ces gens-là étaient joignables par courriel. Le marché du travailleur autonome est en pleine effervescence, en plein développement. Au Québec, on recense plus de 500 000 travailleurs autonomes bien que la définition soit encore assez large. Il y a actuellement une transformation du travailleur autonome, il est de moins en moins les deux mains dans la terre. C’est une réalité pour beaucoup de gens. Il est probablement nécessaire qu’ici, au Québec et au Canada, on ait un outil qui serve les travailleurs autonomes. Un outil qui n’existait pas jusqu’ici et qui facilite les échanges entre les travailleurs autonomes et les entreprises. Cela existait déjà aux États-Unis, il y a des expériences en France depuis 2 ans mais ici, il y avait peu de choses à part des répertoires statiques. – Comment fonctionne AgentSolo.com ? AgentSolo.com est une place d'affaires qui permet de mettre en contact les professionnels indépendants avec des entreprises ayant besoin de leurs services. C’est une communauté virtuelle professionnelle comptant aujourd’hui plus de 2200 membres. On a deux types de statut pour nos professionnels ou travailleurs autonomes: Agent Solo privilège et Agent Solo invité; et un statut pour les offreurs de contrats. Avec le statut d'Agent Solo privilège, le membre peut soumissionner sur l’ensemble des offres de contrat, il recoit l'ensemble des alertessur les nouvelles offres de contrats de son secteur (avec les informations complètes), il a accès à une messagerie interne qui permet de négocier avec l'offreur de contrats ou de demander des informations complémentaires ou même trouver des partenaires dans le réalisation de certains contrats (partage de contrats), etc. C’est un statut complet et proactif. Depuis janvier, l’inscription est payante et nous avons un bon taux de transformation auprès des travailleurs autonomes qui s’étaient inscrits gratuitement durant la période de pré-lancement. Le statut d'Agent Solo invité est un statut gratuit, mais passif. Il peut profiter des avantages du profil public, il peut recevoir les alertes de contrats, mais il ne peut soumissionner sur les offres de contrats sauf s'il est personnellement invité par un offreur. C'est habituellement le premier statut que les nouveaux membres prennent pour évaluer si le service leur convient. Il y a aussi le statut d'offreur de contrats. Les entreprises paient un montant (24,99$) qui leur permet d'afficher autant d'offres qu'il le désire durant un an. Les offreurs de contrats profitent aussi de plusieurs outils en ligne pour le suivi de leurs différentes offres de contrats On a deux marchés : les professionnels indépendants et les entreprises. Au commencement, nous avons surestimé les défis de recrutement des professionnels indépendants et sous-estimé les difficultés de recruter les entreprises. Nous avons donc dû ajuster nos efforts en direction des offreurs de contrats. – Quel type d’entreprise fait affaire avec AgentSolo.com ? Les contrats suivent beaucoup les profils des professionnels indépendants que l’on a. Nous avons des secteurs plus représentés que les autres voir même sur-représentés pour certain. Actuellement les secteurs multimédias, informatiques, graphisme, rédaction et traduction sont les plus dynamiques sur AgentSolo.com. En fait, plus tu utilises l’ordinateur et Internet, plus tu as de chance d’utiliser AgentSolo.com, c’est un constat que l’on a fait, et les mandats qui sont offerts suivent cette tendance. Ces secteurs sont probablement plus à même de faire appel à des travailleurs autonomes. On s’organise pour se faire connaître auprès des employeurs qui ont des missions qui correspondent aux profils de nos Agents Solos. Par exemple, il y a moins d'urgence pour l’instant pour démarcher les entreprises pour des services en comptabilité puisque nous avons très peu d’Agents Solos dans ce domaine. – Le recrutement d’un travailleurs autonomes, ce n’est pas plutôt une affaire de bouche à oreille ? On n’essaie pas de remplacer les méthodes de recrutement des pigistes en entreprises. Chaque entreprise a développé ses propres stratégies pour pouvoir compléter ses besoins : bouche à oreille, références, utilisation des sites d’emploi éventuellement si la valeur du mandat le justifie. AgentSolo.com est un moyen supplémentaire qui vient s’ajouter. Un moyen qui permet d’être en contact très rapidement avec des professionnels ; dans tous les cas on ne remplace pas l’entreprise dans sa sélection. On fait une mise en relation, un maillage entre l’entreprise et le professionnel. C’est là que l’on répond à un besoin qui est fort au niveau des entreprises. Si j’ai un besoin urgent d’un infographiste la semaine prochaine, pour un rapport annuel par exemple, je le veux beau…. Donc je peux prendre les pages jaunes, je fais le tour de mes amis, je peux faire une série de démarches mais dans tous les cas, je n’ai que des indications sur des noms et des compétences mais pas du tout sur des disponibilités ni sur l’intérêt qu’ont ces professionnels à travailler sur mon rapport annuel. Là où notre système devient très intéressant, c’est qu’il permet de se mettre en relation avec des gens qui sont immédiatement disponibles et compétents ou du moins qui le prétendent. Dans les conditions d’urgence, la disponibilité devient le premier critère et non pas seulement la compétence. Nous fournissons, non seulement un inventaire de compétences, mais surtout un inventaire de compétences disponibles et intéressées à faire le travail. Ils sont suffisamment intéressés pour prendre le temps de faire une soumission. Cela donne le choix entre 5, 10 ou 20 professionnels. En entreprise, en situation d’urgence, il est rare d’avoir un tel choix… Plus l’entreprise s’éloigne de sa spécialisation de base, plus elle a besoin d’aller chercher des ressources à l’extérieur, moins elle a de contacts dans le réseau pour le faire et plus elle a besoin de nous. En affichant son mandat sur AgentSolo.com, l’entreprise étoffe souvent par la même occasion son réseau de contacts. Le but n’est pas de récupérer des contrats qui se donnent naturellement sur le marché mais de faciliter l’utilisation des professionnels indépendants, de l’encourager. Les professionnels sont en plein contrôle de leurs relations d’affaires, nous ne nous interposons pas entre eux. – Comment est perçu AgentSolo.com par les indépendants de l’informatique ? Dans le cas des informaticiens, ils voient avec beaucoup de bonheur mais aussi beaucoup de frustration les compagnies d’impartition. C’est payant pour eux mais lorsque cela fait 3 ou 4 contrats sur deux ans qu’ils décrochent pour le même client et qu’ils sont encore obligés de passer par l’impartiteur qui va chercher sa cote au passage… Certains trouvent cela frustrant. Ce n’est pas un hasard si la première entente que l’on a eu avec une association professionnelle s’est faite avec L'Association Québécoise des Informaticiennes et Informaticiens Indépendants (AQIII). Ce que l’on note actuellement, et c’est un point que je trouve un peu déplorable, c’est qu’il y a de plus en plus d’utilisation par les grandes entreprises de ressources extérieures internationales parce que les prix de production sont moindres. Dernièrement, CGI a embauché 400 informaticiens en Inde par exemple… Il y a actuellement un développement dans ce sens là et c’est regrettable. C’est quelque chose que l’on ne souhaite pas faire. Lorsque l’on regarde les expériences américaines similaires à AgentSolo, beaucoup ouvrent les vannes à la main d’œuvre internationale. Une bonne partie des contrats sont faits à l’extérieur des États-Unis. Nous avons décidé quant à nous, d’imposer une délimitation territoriale. Pour devenir Agent Solo, il faut avoir le droit de travailler au Québec. Ce serait un jeu un peu pervers que de favoriser le cheap labour, on veut être un appui pour les travailleurs autonomes, pour les Agents Solos ; on ne veut pas devenir un ennemi, se construire grâce à eux et ensuite leur retirer le marché en laissant les jobs sortir à l’extérieur du pays. – Avez-vous parcouru le rapport Bernier ? On n’a pas eu le temps de suivre cela de très près… Par contre, il est clair que c’est un gros problème actuellement. Ma conjointe est travailleuse autonome et c’est souvent l’enfer de prévoir des congés, ne serait-ce que penser à un congé maladie ou un congé de maternité, tout est à ses frais. C’est sûr qu’elle doit provisionner, pour les vacances, pour d’éventuelles maladies, pour une éventuelle grossesse, provisionner tout le temps. C’est une planification difficile à faire. Et comme elle le disait encore dernièrement, si seulement je pouvais rajouter en plus de mon impôt une charge sociale pour bénéficier d’une certaine couverture, n’importe quand ! Il n’y a aucune protection pour l’instant. La quantité de travailleurs autonomes augmente mais les gouvernements ont été longs à réagir pour prendre en compte le phénomène et fournir des outils. Encore aujourd’hui, ils ne font pas l’objet de beaucoup d’attention. Hormis AgentSolo.com qui est une initiative privée au Québec, il n’y a absolument rien ailleurs au Canada. – Quelle est, selon vous, la proportion des travailleurs autonomes qui le sont par choix ? Selon moi il y a peu de travailleurs autonomes qui le sont par choix. Tu finis par devenir intentionnellement et volontairement travailleur autonome. Après un certain niveau de maturité de carrière, certains vont décider de le devenir. Mais pour la grande majorité, ils le deviennent par accident, avec la difficulté que cela suppose. Il ne faut pas oublier que le travailleur autonome doit être en mesure d’acquérir un minding de développement de clientèle. C’est un statut usant quand même, car c’est demandant. Pour le même salaire, en bout de ligne, tu as le stress en plus. Heureusement tu as une liberté de création beaucoup plus forte mais tu le payes cher en cheveux blancs… – Pourquoi le nom d’AgentSolo ? Dès le début nous avons rencontré un problème de terminologie. Selon les endroits, les milieux, on va parler de travailleurs autonomes, de professionnels indépendants, de sous contractants, de pigistes, de micros entreprises. Pour pouvoir réussir à parler à tout ce monde en même temps, il fallait uniformiser la terminologie. C’est probablement une des raisons pour laquelle nous avons gagné cette année le prix pour le mérite du français dans les technologie de l'information, pour avoir créé la métaphore AgentSolo. – Que vouliez-vous faire quand vous étiez petit ? Pompier.

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