Le professionnel RH face à un gestionnaire difficile… Comment relever le défi ?

L'équipe du Groupe Conseil SCO offre aux entreprises des services conseils et un support varié en matière de fonctionnement des équipes de travail et de gestion de conflits de travail.

Donnez-nous un portrait de gestionnaire "difficile" qui vous a particulièrement marqué ?

J’ai eu un cas au sein d’une entreprise québécoise, où le gestionnaire était un financier (expertise comptable) très performant. Il suivait à la loupe les résultats et le rendement trimestriel de ses employé(e)s. Il était déçu et même irrité de constater la démobilisation du personnel d’un service qui relevait de lui. Son style de gestion « à la dure » (style autoritaire et directif) avait fini par créer un effet inversé. Les gens le craignaient à sa simple vue… Il régnait un climat de terreur et de démobilisation. La direction des ressources humaines avait bien tenté de lui faire passer un message mais il n’était pas du genre très réceptif. Étant actionnaire et membre du conseil d’administration, il était en position de défendre ses opinions, son savoir-faire extraordinaire dans l’atteinte de résultats financiers. Il était convaincu que sa façon de parvenir aux résultats était excellente.

Dans le cadre de mon mandat, il a fallu l’aider à regarder au-delà du seul spectre des résultats à atteindre et l’aider à comprendre que la mobilisation du personnel est un aspect aussi important que le rendement . Une façon d’attirer son attention sur cet aspect a été de lui demander de figurer combien lui coûtait 40 voire 50 heures d’absence par semaine d’un professionnel de son équipe ? Combien lui coûtait un arrêt de travail de 10 jours etc. ? Le déclic s’est alors produit.

L’intervention a donc permis de l’aider à réaliser qu’il valorisait exclusivement la performance financière au détriment du climat de travail. Nous avons eu des sessions de communication en groupe. Il en a résulté un grand changement : le personnel se sentait moins intimidé en sa présence, ses subordonné(e)s osaient s’exprimer davantage même lorsqu’ils ne partageaient pas le même point de vue. Puis, il a fallu lui enseigner comment déléguer des responsabilités à ses cadres subalternes et leur faire confiance.

Comment un gestionnaire des ressources humaines peut-il gérer les relations entre les employés et un patron « hostile » à la critique ?

Plus le rôle des ressources humaines est bien positionné et compris dans l’organisation, plus celle-ci est sensibilisée à ce type de problématique.

Quand les employé(e)s se confient aux ressources humaines, c’est un symptôme annonciateur : cela dévoile que quelque chose ne va pas. A ce moment, les ressources humaines se questionnent sur ce qu’il convient de faire : faut-il par exemple simplement prêter l’oreille, ou travailler la consolidation des équipes ou encore faire un effort en matière de « coaching » ?…

Je crois que la législation entrée en vigueur en 2004 sur le harcèlement psychologique a grandement fait évoluer les choses. En effet avec cette loi, le droit des salariés d’évoluer dans un environnement de travail sain et exempt de harcèlement est clairement défini. Les employeurs ont obligation d’offrir un tel environnement de travail à leurs salarié(e)s. Avec la loi sur le harcèlement psychologique, il y a eu une plus grande sensibilisation de ce côté. Les organisations voient l’importance de gérer ces climats difficiles et même d’intervenir auprès de gestionnaires qui font un usage abusif de leur pouvoir de gestion. A titre d’exemple, le traitement d’une plainte (enquête) peut coûter de 10,000 $ à 15,000$ dollars. A cette somme il faut ajouter les coûts en terme d’absentéisme, de baisse de productivité et les éventuels dédommagements à payer… si la plainte s’avère fondée. Les entreprises ont donc toutes un intérêt à investir dans la prévention ! En d’autres termes, réagir de manière proactive est devenu nécessaire.

A qui les patrons confient-ils leurs angoisses ?

Certains gestionnaires peuvent se sentir laissés à eux-mêmes dans les contextes difficiles comme la période actuelle que nous traversons. Toutefois, la culture de support est en train d’évoluer. D’une part les gestionnaires hésitent moins à aller chercher de l’aide et à consulter les ressources humaines. D’autre part, un plus grand nombre d’organisations ont emboîté le pas dans la mise en place de réseaux d’entraide, de cercles de co-développement au sein desquels les gestionnaires peuvent parler des situations difficiles qu’ils vivent.

L’entreprise est-elle un terreau fertile qui favorise l’apparition des conflits ?

Le terreau vient de la conjonction de divers éléments :

  • d’une part tout va vite (par exemple, les communications) et la structure des entreprises est très éclatée (les équipes sont sur différents pays, les cultures sont différentes etc.),
  • d’autre part, la réalité financière veut que les entreprises, cotées en bourse en particulier, gèrent des résultats d’abord et avant toute chose. Elles sont jugées sur leurs capacités à livrer des performances globales. C’est l’hyper valorisation du rendement financier.

Les personnes de style agressif/défensif réussissent bien dans ce type d’environnement. Elles sont même valorisées dans l’atteinte de leurs résultats même si elles le font dans un climat de terreur ! Lorsque le gestionnaire a malmené ses équipes, il en résulte de l’absentéisme, une plus forte démobilisation des équipes, ou un désengagement des effectifs.

Le choix que fait la haute direction est de se centrer sur le rendement à court terme de l’entreprise. Or, dans cette gestion très réactive, on assiste à une véritable « myopie au niveau du leadership ». Ce type de gestion entraîne des conséquences sur la gestion des ressources humaines. Il y a, par exemple, des coûts astronomiques que paient les organisations en matière d’invalidité et d’absentéisme.

Alors, votre expérience semble démentir que « le travail c’est la santé »

Pas vraiment. La santé au travail est possible et même est nécessaire ! Nous sommes actuellement très conscientisés de l’importance de maintenir une santé organisationnelle. Cela passe évidemment par la santé des employés inévitablement. Pour y arriver, il faut créer une forte alliance entre la haute direction et les services de l’organisation comme au sein des départements ressources humaines afin de créer cette culture de travail.

Ainsi on évitera peut-être la gestion « myope » qui prévaut depuis une dizaine d’années où le seul critère de santé figurait parmi les résultats financiers de l’entreprise. Les professionnels en ressources humaines doivent et auront de plus en plus à chiffrer les bénéfices d’une gestion « humaine » des ressources.

Le monde du travail ne peut être une source de maladie que lorsque les moyens mis en disposition ne sont pas adéquats, lorsque les ressources ne travaillent plus en cohérence et lorsque ces dernières ne cadrent plus avec les valeurs organisationnelles en place. Dans ces conditions, il est triste de constater la détresse de certains individus qui s’acharnent à rester à bord d’un bateau dont la destination ne leur convient plus.

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