Méchants recruteurs !

Les recruteurs ont parfois mauvaise réputation. Voici la réalité vue de l'intérieur.

Je suis recruteur. Dans mon travail, je suis coincée entre les désirs des candidats et les exigences des entreprises qui embauchent. Entre une population en quête d'un équilibre travail-famille et l'entreprise en quête de productivité, le fossé se creuse.

Si la nouvelle génération de candidats a appris à se faire valoir auprès des organisations, à se bâtir un réseau, à se vendre et à avoir un projet professionnel conforme à ses objectifs de vie, les organisations, de leur côté, n'ont pas changé d'un iota leurs techniques de recrutement. Le "branding employeur" est plus un sujet à la mode qu'un objectif d'entreprise. Dans les faits, voici comment cela se passe encore…

1. Un poste se libère

En théorie, le gestionnaire a planifié la relève, vérifié son budget et géré la transition en attendant l'arrivée d'une nouvelle personne. En fait, il a reçu un avis de démission le vendredi matin et il est entré en trombe dans le bureau du recruteur pour lui demander des noms de candidats à rencontrer pour la semaine suivante. Comme si nous en fabriquions dans notre sous-sol pendant la fin de semaine !

2. Le recruteur part à la chasse aux candidats

S'il a de la chance, il aura entre les mains une description de poste réaliste, et non une liste sans fin de qualités, d'exigences et de diplômes impossibles à combiner. Il aura pu rencontrer l'employé qui quitte l'entreprise bien avant son départ pour mieux comprendre le contexte et le profil de candidat recherché. Il aura évalué les candidatures à l'interne pour éviter les frustrations qu'il susciterait s'il recrutait à l'extérieur une expertise qui existe dans l'entreprise.

En réalité, le recruteur a déjà sur son bureau des dizaines de postes à combler et il passe son temps à vérifier ses courriels pour voir si la miraculeuse candidature ne s'y trouve pas. Il place des annonces sur le Web, il fouille désespérément dans sa base de données qui n'est ni à jour (eh oui ! les candidats bougent vite et partent sans laisser d'adresse), ni fonctionnelle.

3. Le comité de sélection s'organise

Les candidats qualifiés devraient être invités à venir rencontrer le recruteur et le gestionnaire pour être évalués selon les mêmes critères et sur une même période de temps.

La réalité ? Le recruteur fait passer des entrevues à la chaîne, et comme il n'a pas le temps d'étudier tous les profils et qu'il doit satisfaire simultanément plusieurs clients, il fait de son mieux. Le gestionnaire rencontre un candidat à la fois en fonction de son agenda et de la réception des candidatures.

Résultat : il ne se souvient plus du candidat qu'il a vu au début du processus, il perd patience et demande sans cesse au recruteur de nouvelles candidatures pour pouvoir comparer. Finalement, le meilleur candidat rencontré il y a trois semaines se désiste et le processus de recrutement repart à zéro. Les autres candidats sont éliminés, le recruteur les remercie sans vraiment leur expliquer pourquoi, et tout le monde est frustré.

4. Le candidat finaliste apparaît enfin

Le recruteur le fait asseoir dans son bureau en présence de son gestionnaire et tous deux le bombardent de questions, tout en lui vantant les mérites de l'entreprise. Pressés par les exigences de l'organisation qui appelle à l'aide, on saute les étapes. On fait une offre au pauvre candidat, qui n'en croit pas ses yeux et demande 48 heures pour réfléchir.

En rentrant chez lui, il appelle ses amis et apprend que l'entreprise cherche à recruter depuis plusieurs semaines. Sans succès. Un doute l'assaille. Il hésite, mais le recruteur fait pression sur lui. En y réfléchissant, le candidat accepte à condition de revoir le gestionnaire pour s'assurer de son choix. Ce dernier s'impatiente et s'offusque de sa demande.

5. Enfin, l'entreprise décide de promouvoir un employé à l'interne et ferme le dossier

Le recruteur est si heureux de passer au mandat suivant qu'il oublie de rappeler le candidat (ou bien il se sent tellement mal à l'aise qu'il préfère fermer les yeux sur son manque de courage). Et on passe au mandat suivant…

Méchants, les recruteurs, vous dites ?

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