Réussir son entrevue de groupe

Quels sont les avantages et les risques d’une entrevue de groupe? Dans quelles circonstances est-ce approprié? Comment mettre sur pied une telle entrevue et comment la conduire? On fait le tour de la question.

Une approche efficace

Chez Ubisoft Québec, l’entrevue de groupe s’est imposée pour une catégorie précise d’emploi : les testeurs de jeux vidéo. « C’est un poste pour lequel on reçoit énormément de candidatures et pour lequel on embauche plusieurs personnes à la fois. L’entrevue de groupe est un moyen de faire le tri efficacement », explique Véronique Lessard, recruteuse sénior à la filiale québécoise de la multinationale de jeux vidéo.

L’entrevue de groupe a, selon la recruteuse, le double avantage de sauver du temps, tout en mettant en lumière la véritable personnalité des candidats : « La rencontre dure près de trois heures; c’est impossible de jouer un rôle pendant tout ce temps. Les gens finissent par se montrer au naturel. Surtout dans la partie de l’entrevue où on leur demande de résoudre ensemble un problème moral. »

La formule élaborée par Ubisoft Québec comprend en effet différents volets : une partie technique, une activité collaborative à propos d’un problème moral, un exercice de rédaction et un entretien individuel. Ainsi, le comité de recrutement (ils sont habituellement cinq à papillonner autour d’une dizaine de candidats) arrive à évaluer l’ensemble de savoir-faire et de savoir-être que la compagnie recherche chez ses testeurs de jeux.

Risques à l’horizon

Mathieu Guénette, CRHA, directeur des services professionnels chez Brisson Legris et associés, a des réserves à l’égard de cette méthode. Il reconnaît qu’elle peut donner une meilleure idée du caractère et des aptitudes de certains individus qui peinent à se mettre en valeur dans les entrevues individuelles. Il met toutefois en garde les recruteurs contre les risques que l’entrevue de groupe comporte.

D’abord, les problèmes quant à la rigueur du processus et à la standardisation : « Si je forme deux groupes et que dans l’un des deux, une personne agressive prend toute la place, je me trouve à comparer des candidats qui n’ont pas été soumis aux mêmes conditions. Ça peut désavantager les plus introvertis. Un candidat appartenant à une minorité visible pourrait aussi se sentir mis de côté, ce qui pourrait mener à une enquête pour discrimination indirecte. »

À ce genre de critiques, Véronique Lessard répond que « c’est notre travail de recruteur de nous assurer que chaque candidat a sa place. En posant directement des questions à quelqu’un qui semble plus introverti, par exemple. » 

L’entrevue de groupe peut en outre poser des problèmes de confidentialité, fait remarquer M. Guénette : « Si un candidat cherche un emploi en secret et qu’une personne de son réseau passe l’entrevue avec lui, sa démarche peut finir par s’ébruiter. »

Conseils pour une entrevue de groupe réussie

• Éviter de confier ce type d’entrevue à un recruteur seul. Faire appel à une équipe de recruteurs expérimentés, conscients des biais possibles, aptes à les éviter de même qu’à interpréter correctement les comportements observés.
• Constituer une grille d’évaluation comportant une liste de compétences observables et des échelles de notation claires.
• Prévoir une entrevue d’au moins deux heures, pour que les candidats aient le temps de se mettre à l’aise et de se faire valoir.
• Composer l’entrevue de façon à pouvoir observer les candidats dans différents contextes, dont un volet individuel.
• Demander aux participants de signer à leur arrivée un formulaire de consentement qui explique exactement le déroulement de l’entrevue et ce à quoi ils s’exposent, de même qu’un engagement à la confidentialité.
• Commencer la rencontre par une activité brise-glace.
• Exiger des évaluateurs qu’ils complètent leurs notes chacun de leur côté avant d’échanger leurs impressions.

Chez Ubisoft Québec, à tout le moins, l’entrevue de groupe s’avère productive, si l’on en croit Véronique Lessard : « On embauche environ un participant sur trois après ces entrevues. Et je dirais qu’on est satisfait de 95 % de nos embauches. C’est pas mal what you see is what you get! »