Cadre légal pour les vérifications pré-embauches en ligne

Vérifications pré-embauches. Il est tentant d’utiliser Internet pour vérifier tel ou tel renseignement concernant un candidat. Facebook, Twitter, LinkedIn ou Google regorgent d’informations publiques, accessibles en quelques clics. Le cadre légal de ces recherches en ligne est identique à celui en vigueur dans le monde réel, rappellent Élaine Léger et Karine Fournier, deux avocates du cabinet Fasken Martineau, spécialistes du droit du travail.

Les recruteurs ne se servent pas d’Internet que pour diffuser leurs annonces d’emploi. Selon une étude menée par Harris Interactive pour Careerbuilder.com, 28 % des employeurs canadiens utilisent Facebook, Twitter, LinkedIn ou tout simplement Google pour vérifier des informations sur des candidats à l’embauche. Et 26 % d’entre eux disent avoir rejeté une candidature en raison du contenu qu’ils ont découvert en ligne. « De plus en plus d’employeurs nous consultent a posteriori pour savoir s’ils pouvaient chercher des informations sur un candidat et s’ils peuvent utiliser ces informations pour l’écarter », observent Élaine Léger et Karine Fournier.

Parmi les 26 % qui ont refusé un candidat après quelques clics en ligne, la moitié explique s’être aperçu que le candidat avait publié sur la toile des informations confidentielles concernant son ancien employeur. D’autres ont relevé des commentaires discriminatoires (38 %) ou des contenus liés à l’alcool (36 %). Enfin, les mensonges sur les qualifications (26 %) constituent la quatrième raison citée par les recruteurs. « Les trois premiers motifs de refus sont discutables, car il faut un lien avec l’emploi pour qu’ils soient valables », souligne Karine Fournier, rappelant que les « mêmes textes s’appliquent » en matière de recrutement, que l’on soit dans le monde réel ou dans le monde virtuel.

Le dispositif légal des vérifications pré-embauches

La collecte d’informations sur un candidat est ainsi encadrée par les articles 10 et 18 de la Charte des droits et libertés de la personne. « Ces articles stipulent qu’un employeur ne peut requérir de renseignements relatifs à des motifs jugés discriminatoires comme la race, le sexe, l’âge, la religion, l’origine ethnique, le handicap. Sauf si ces demandes sont justifiées par la nature du poste à pourvoir », précise Élaine Léger. Un patron de bar peut, par exemple, demander l’âge d’un serveur pour s’assurer qu’il a bien 18 ans révolus.

La loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé complète le dispositif légal. Les articles 2, 5, 6 et 9 permettent au recruteur de vérifier ou de faire vérifier les informations fournies par un candidat, “s’il a un intérêt sérieux et légitime de le faire”. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites et doivent être “nécessaires à l’objet”, l’objet étant en l’occurrence l’emploi à combler. Le candidat peut, de son côté, refuser de répondre s’il estime que le renseignement demandé est superflu.

Vérifications pré-embauches: Une question de nécessité

« Toute la question est de déterminer ce qui est nécessaire et ce qui ne l’est pas, résume Karine Fournier. Au stade de l’embauche, le nécessaire consiste à évaluer les qualifications et les aptitudes du candidat », ajoute l’avocate qui rappelle, si besoin, qu’une poursuite en discrimination peut avoir de « lourdes conséquences en termes d’image pour l’entreprise. »

Pour éviter d’en arriver là, sa consœur conseille de « s’en tenir aux critères objectifs définis en amont » de la campagne de recrutement. « Vous obtenez une information qui vous dérange et vous voulez tasser la candidature, poursuit Élaine Léger, demandez-vous toujours si cette information est nécessaire ou utile, et faites bien attention aux raisons que vous invoquez pour motiver votre refus. »

Facebook : domaine public ou sphère privée ?

La Commission des lésions professionnelles (C.L.P.) vient de décider que “ce qui se retrouve sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé” et, donc, que la preuve Facebook “ne constitue pas une atteinte à la vie privée de tierces personnes”. Le principe est simple : une personne renonce à sa vie privée, et à la protection qui l’entoure, dès lors qu’elle publie des informations sur la toile et que ces informations sont libres d’accès. En revanche, « il est interdit d’utiliser un subterfuge pour obtenir ces informations, par exemple de soudoyer un ami Facebook d’un candidat pour accéder à son profil », souligne Karine Fournier.

Dans quel cas les vérifications pré-embauches ?

Deux comportements sont observés. Certains employeurs vérifient de manière informelle, seulement s’ils ont des soupçons à la lecture d’un CV ou lors d’un entretien. D’autres vérifient systématiquement. « Il vaut mieux alors se doter d’un protocole formel d’utilisation de l’information récoltée en ligne », recommande Élaine Léger, qui préconise d’attendre l’issue de l’entretien d’embauche avant de déclencher des recherches, histoire d’« éviter les investigations inutiles ». Ce protocole doit notamment définir : les critères qui justifient les  vérifications pré-embauches ; le type d’informations à rechercher en ligne ; la personne chargée de l’enquête ; les modalités d’utilisation et de conservation des informations.

Le consentement de l’intéressé et les suites à donner

Dans l’absolu, et pour éviter tout malentendu, il vaut mieux recueillir le consentement de l’intéressé. Ou « au moins lui notifier que vous allez vérifier les informations qu’il vous a communiquées », observe Karine Fournier. S’il s’avère que le candidat a menti, trois critères doivent être pris en compte pour déterminer les suites à donner à la candidature : la relation étroite entre la fausse déclaration et le contenu de l’emploi ; le fait que l’employeur n’aurait pas embauché le salarié s’il avait connu la vérité ; le caractère volontaire de la fausse déclaration.

« Le déclenchement d’une recherche et le refus d’embauche qui peut en découler doivent s’apprécier au cas par cas, insiste Élaine Léger, qui met en garde les recruteurs : les informations en ligne ne sont pas toujours fiables. Il ne faut pas tout prendre pour argent comptant et il ne faut pas s’en tenir uniquement aux renseignements glanés sur la toile. »


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