« Big data » au service de la déshumanisation du recrutement

 

Demain, les recruteurs pourraient se faire remplacer par des robots. La « science » se met au service du recrutement et il semblerait que quelques algorithmes et formules mathématiques bien senties pourraient supplanter le travail de l’humain. Rien de nouveau vous direz, on a déjà vu à quelques reprises des percées technos tenter de s’immiscer dans l’évaluation des candidats : tests de personnalité en ligne, CRM ultra-perfectionnés, « ATS ». Bref, le marché de l’automatisation du recrutement suscite beaucoup d’intérêt et d’investissements en recherche et développement. Aujourd’hui, on parle de « technologies prédictives » au service du recrutement.

Un récent article de The Economist http://www.economist.com/news/business/21575820-how-software-helps-firms-hire-workers-more-efficiently-robot-recruiters rapporte que le cabinet de services professionnels en recrutement Evolv http://www.evolvondemand.com/ offre une solution « big data » et des algorithmes personnalisés pour les grandes entreprises. Bref, si votre entreprise est grosse consommatrice de candidats, vous auriez tout intérêt à modéliser votre processus de sélection pour en faire un outil super puissant d’écrémage. Ainsi, on apprend que les candidats qui font les meilleurs employés utilisent plutôt les navigateurs de type Chrome ou Firefox aux dépens d’Explorer et Safari (a priori plus lents et donc faisant baisser la productivité de vos équipes) ou encore que ceux qui répondent plus lentement aux tests d’aptitudes sont moins efficaces. Il semble aussi que les agents de centres d’appels ayant un passé douteux (dossier civil ou criminel) ou un cheminement professionnel chaotique font preuve de plus de loyauté et performent mieux, de peur de perdre leur emploi. Troublant. Miser sur la peur de perdre son emploi pour augmenter l’engagement des employés me fait penser aux vieilles cultures ultra-patriarcales quasi dictatoriales. Le problème est-il dans le recrutement, dans le profil des employés ou dans la nature de l’emploi offert et de l’organisation? Peut-être qu’il vaudrait mieux automatiser la cuisson des hamburgers plutôt que d’automatiser la sélection des individus qui les font griller? La question se pose…

Autre fait intéressant, les employés qui se joignent à plus de 2 réseaux sociaux ont tendance à quitter plus rapidement leur emploi. À coup de centaines ou de milliers d’amis par réseau social, il y a fort à parier que l’individu sera en contact avec plus d’opportunités d’emploi. CQFD. Si j’étais candidate, je me limiterais donc à ne divulguer qu’un seul réseau social et je tairais mes autres identités…  Le « big data » a ses limites. Pour preuve, cette entreprise dont le logiciel a rejeté un grand nombre de candidats qualifiés, car ils ne possédaient pas le titre d’emploi souhaité. Le problème, c’est que cette entreprise était la seule à utiliser cette dénomination. Mais ça, le logiciel ne le savait pas!

Vouloir déshumaniser l’acte de recrutement n’est pas nouveau, mais il n’est reste pas moins que le « big data » n’est pas une finalité, c’est un moyen (dixit Shally Sherpel @shally). Moyen qui peut fonctionner pour les recrutements à haut volume (centres d’appels, travailleurs manuels ou à l’heure, etc.), mais qui semble moins efficace pour les professionnels ou les métiers de la vente. On n’est pas surpris.

Ne croyez pas que je sois réfractaire à l’avancement de la « science » au service de la gestion des ressources humaines. Je suis plutôt partisane de l’utilisation des technologies prédictives pour étudier le comportement des candidats comme on analyse un marché de consommateurs dans une approche marketing et stratégique de la gestion de l’information. Quelles sont les tendances et les habitudes d’utilisation des sites Internet d’emploi? Quels sont les taux de fréquentation des sections carrières des sites Internet corporatifs? De quelles écoles proviennent nos meilleurs employés? Où résident nos candidats? Quels moyens de transport utilisent-ils? Etc. Au-delà de la collecte des données, il faut savoir les analyser, les expliquer et les mettre en perspective avec le plan d’affaires de l’entreprise. Encore fait-il savoir où on s’en va et ce que l’on veut accomplir. Dans tous les cas, cela prend un cerveau humain pour les interpréter. Le « big data » analyse les données du passé sans amener de nouvelles approches ou une vision différente. C’est comme si on se basait sur les données d’hier pour reproduire le même schéma aujourd’hui. Je ne vois pas comment on va améliorer la performance uniquement en modélisant les données passées. Ce qui est essentiel, c’est d’analyser des données actuelles pour en dégager des tendances qui nous aideront à prédire le futur.

Enfin, tant qu’à être dans les formules mathématiques, en voici une utilisée par l’entreprise Gallup http://strengths.gallup.com/private/Resources/Q12Meta-Analysis_Flyer_GEN_08%2008_BP.pdf  pour déterminer la productivité et le niveau d’engagement de vos  employés :

 

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Talent x (Relationnel + Saine gestion des attentes + Reconnaissance/récompense)

 

Personnellement, je trouve la formule beaucoup plus inspirante, car elle implique une culture du leadership et des gestionnaires à l’écoute. Approche plus humaine et à long terme, vous ne trouvez pas?

 

 

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