Dans le ventre de la bête…

Dans le ventre de la bête…

Qui n’a jamais vécu de périodes de questionnements, de remises en question et de doute? Vous savez, cette petite idée insidieuse qui se glisse en vous et crée une petite fissure. Les certitudes s’effritent et une faille s’ouvre à votre insu. Un peu comme dans le film «Inception » dont le personnage principal a pour mission d’implanter une idée dans l’inconscient d’un individu. Une vraie transition débute toujours quand cette idée a commencé à germer suffisamment pour qu’elle nous interpelle.

Généralement, on parle de transition lorsque quelqu’un perd son emploi et se retrouve en « transition de carrière ». Autrefois, on parlait en bon français d’« out-placement » ou replacement externe, moins joli mais plus réaliste…

Si la transition professionnelle est une forme de voyage, le reclassement externe est un processus opérationnel qui consiste à gérer une stratégie de mise en marché de sa candidature pour se replacer le plus rapidement possible. Notez que cela n’est ni simple ni dénué d’un processus de réflexion en profondeur. Mais dans la plupart des cas, la personne retrouve un poste similaire dans une autre entreprise. Les cicatrices laissées au passage sont généralement associées à un ego blessé, à des déceptions douloureuses face à des gens sur qui on pensait pouvoir compter, à la perte de confiance en soi et, la pire sans doute, à la peur d’être marginalisé et stigmatisé comme celui ayant contracté une maladie honteuse en perdant statut social (même temporairement) et revenus.

Nombreux sont ceux qui préfèrent mettre un terme le plus rapidement possible à cette transition-supplice plutôt que de l’aborder comme une occasion de changement pour envisager une réorientation de carrière (on ne peut pas les blâmer!). Ils acceptent généralement un emploi plus rapidement et ils se remettent en selle… mais ils gardent cette douleur profonde en eux qui leur fera toujours craindre que l’histoire se répète. Du coup, certains évitent les coups et ne prennent pas ou peu de risques. Ils jouent « low profile » pour mieux se fondre dans la masse et pour ne pas se faire repérer par la machine corporative lorsque les coupures referont surface.

Pour certains, il s’agit de retrouver un emploi dans le même domaine ou la même industrie tout simplement parce que c’est ce qui les anime et les passionne. Pas besoin de se poser de questions existentielles : ils ont perdu leur emploi hier en raison de coupures budgétaires, ils en retrouveront un autre dans une entreprise en croissance.

Pour d’autres, la transition professionnelle ressemble à une quête, à une aventure en solo dont l’origine prend sa source directement en eux. Cette petite idée qui grandit, qui nous amène à entrevoir d’autres possibilités et un autre avenir professionnel. « Et si…? » Le problème dans ce cas-ci est qu’il n’existe pas, à proprement parler, de processus ni de mécanisme de gestion de cette transition. C’est un saut dans l’inconnu qui vous aspire et vous avale tout entier.

La différence fondamentale entre ces situations (replacement externe et transition) réside dans la nature de l’inconnue. Dans le premier cas, l’inconnue est « combien de temps cela va me prendre pour retrouver un poste similaire? » alors que dans la deuxième, l’inconnue est « qu’est-ce que j’ai le gout de devenir? ». Bien plus sécurisant de faire face à un échéancier qu’à une feuille blanche. Le ventre de la bête est une grande feuille blanche. Reconnaître dans quelle situation on se trouve est essentiel pour y faire face et diriger ses efforts à la bonne place. Un candidat qui cherche à gérer sa transition professionnelle comme on cherche un emploi s’y perd et inversement.

Dans le ventre de la bête, tout est embrouillé, sombre et il est quasi impossible de répondre à ce genre de questions : « Quel genre de poste recherchez-vous? », «Quels sont vos projets? », « Qu’est-ce qui vous anime et vous passionne? » Il n’y a rien de pire que de faire semblant que l’on sait lorsque l’on ne sait pas. Le recruteur averti que vous êtes doit savoir reconnaître celui qui se cherche de celui qui cherche. Bien que le rôle du recruteur ne soit pas celui du « coach », n’hésitez pas à interpeller dans sa démarche celui qui se perd : il ne pourrait qu’en être plus reconnaissant et devenir un ambassadeur de votre marque employeur!

Enfin, pour ceux qui se questionnent sur cette fameuse transition, une amie m’a offert récemment un excellent livre « What Should I Do With My Life ? » de Po Bronson que je recommande à ceux qui se posent « la » question : « Que vais-je faire de ma vie professionnelle? » L’année où j’ai pris ma retraite, pour la deuxième fois, il était temps que je me pose la question…

Nathalie Francisci
Chroniqueuse, Conférencière, Administrateur de sociétés
www.nathaliefrancisci.com

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