La gestion des talents sévèrement critiquée par les conseils d’administration

Un récent article publié par Boris Groysberg et Deborah Bell de l’Université Harvard titrait « Les conseils d’administration donnent un F aux entreprises sur la gestion des talents ». Les cancres se retrouvent dans les secteurs industriels et de l’énergie. Ceux qui s’en tirent le mieux sont les télécoms, les TI et le secteur de la santé. Notez qu’il n’y a pas de quoi pavoiser non plus, car les chiffres sont assez cinglants. En résumé, les entreprises ont progressé dans l’attraction des talents et le recrutement, mais elles manquent la cible au niveau de la rétention et du développement de la main d’œuvre sans compter la promotion de la diversité quasi inexistante. Mais que font les RH?

Les conseils ne sont pas tendres avec leurs entreprises, mais on pourrait aussi leur demander ce qu’ils font à leur niveau pour y remédier? Quant à la question de la diversité, un coup d’œil sur la diversité des conseils et on a le goût de pleurer…

Pourquoi les entreprises ont-elles tant de difficultés à développer et retenir ces talents si précieusement (et chèrement) acquis? La guerre des talents est pourtant en marche selon les mêmes auteurs http://blogs.hbr.org/cs/2013/06/new_research_where_the_talent.html. Et devinez quoi? Elle frappe justement les TI, les télécoms et le secteur de la santé. Certains ont vite compris qu’ils avaient tout intérêt à prendre des mesures s’ils voulaient survivre à une pénurie sous peu. Mais recruter c’est bien, garder ses talents c’est mieux et les développer le summum! Qu’est-ce qui fait défaut? Les programmes de développement professionnels abondent et les offres sont nombreuses. Les programmes exécutifs dans les universités sont bondés. Pourtant, ça ne fonctionne pas. La formation n’est plus la bonne réponse au développement de nos talents. La réponse est ailleurs.

ScreenHunter_342-Jul-15-12-08.jpgÀ bien y penser, l’ancienne formule de « compagnonnage » avait du bon. On couplait un jeune avec un expert pour créer une forme de mentorat. Le jeune apprenait de son mentor qui le suivait sur plusieurs années. Bien que le principe existe toujours aujourd’hui, le compagnonnage ne concerne que des métiers très spécifiques et surtout manuels. C’est peut-être toute la formation académique qu’il nous faut repenser. Les formations universitaires bien que réformées régulièrement ne changent pas. On envoie encore nos jeunes pendant 3 ans (pour un Baccalauréat), 5 ou 6 ans selon la maîtrise ou la spécialité sur les bancs d’université puis on les jette à l’eau dans le monde de l’entreprise. Pas sûr que cela fonctionnera encore longtemps. Le fossé se creuse entre l’académique et le monde professionnel, en clair la « vraie vie ». Les programmes ne suivent pas la vitesse des changements économiques ou sociétaux. Bref, les gestionnaires sont perdus et ne savent pas par quel bout commencer pour gérer leur équipe. Du coup, on parle de « fossé générationnel ». Quelques années plus tard, les jeunes devenus plus seniors répètent les mêmes erreurs avec les plus jeunes et ainsi de suite. Comment, dans cas, peut-on s’assurer d’un taux de rétention optimal et d’un développement des talents adéquat quand on ne part pas sur les bonnes bases?

Les gestionnaires doivent se réapproprier la gestion de leur main d’œuvre. Ils doivent en assumer l’entière responsabilité. Ils devraient être évalués sur la performance de leur équipe et sur leur capacité à développer leurs talents. Au lieu de promouvoir des patrons principalement sur les résultats financiers, on devrait les récompenser selon le nombre de talents qu’ils ont promus et développés en interne. Cela éviterait d’ailleurs qu’ils se gardent pour eux les meilleurs. Au contraire, chaque équipe, chaque division ou unité d’affaires devrait être un bassin de recrutement pour les autres. Chaque recrutement externe devrait être quasiment considéré comme un double échec : celui du gestionnaire pour n’avoir pas su développer de relève en interne et celui de l’organisation qui n’a pas su lui donner les outils pour le faire. Un directeur des ressources humaines me l’avait d’ailleurs avoué un jour. Même si le sang neuf est parfois nécessaire, c’est un coût si élevé que le jeu doit vraiment en valoir la chandelle…

Développer un individu cela prend du temps et de l’énergie, mais surtout de la passion et de la confiance, en soi et en l’autre. Permettre les erreurs et encourager la prise de risque. Miser sur la diversité (pas seulement de genre), favoriser la mobilité interne. Pousser nos employés à se dépasser en leur démontrant que l’on a confiance en eux et que l’organisation va tout mettre en œuvre pour les aider à réussir. Utopique? Le manque de temps est trop souvent brandi comme la raison ultime qui empêche ce genre de comportement corporatif. On veut recruter les meilleurs pour qu’ils performent immédiatement et créent de la valeur instantanée. Cela relève de la pensée magique. La gestion des talents, c’est un investissement à long terme. C’est ce que les conseils d’administration doivent comprendre. Les administrateurs devraient se mêler plus souvent aux opérations, visiter les usines et les employés. Écouter, voir sentir ce qui se passe dans l’entreprise au lieu de se fier uniquement aux rapports de la direction. La direction est noyée dans les rapports et elle n’a pas assez d’opportunités de développer une vision globale à long terme de ce qu’elle a besoin pour aligner sa stratégie RH avec les objectifs d’affaires.

L’étude de Deloitte sur la question de l’enjeu du développement des talents apporte des éléments de réponse intéressants. Parmi eux, on y retrouve :

  • Recruter les talents pour leur potentiel futur, pas juste pour boucher des trous existants;
  • Créer des modèles de carrière qui reposent plus sur des projets que sur des processus;
  • Améliorer la mobilisation des employés.

De quoi alimenter vos réflexions estivales et préparer la rentrée? Bon été!

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