La surreprésentation des offres d’emploi du secteur public dans les journaux

Par Anne-Marie Courtemanche En feuilletant la section des carrières et professions des quotidiens le samedi, vous avez sûrement remarqué la présence importante du secteur public en termes d’offres d’emploi. Non seulement les encadrés publicitaires y sont nombreux, mais ils adoptent également de très grands formats. Pourquoi donc le gouvernement du Québec, les CLSC, hôpitaux, services sociaux, commissions scolaires, municipalités, et j’en passe, sont-ils si exubérants dans les pages de nos quotidiens, malgré le coût de 10 à 20 fois plus élevé que celui d’un site Internet d’emploi ? Besoin réel Au gouvernement du Québec, plus précisément au Secrétariat du Conseil du Trésor, on nous répond d’emblée que les besoins de main-d’œuvre au gouvernement sont bien réels et, qui plus est, que ces besoins augmenteront considérablement jusqu’en 2010. C’est d’ailleurs ce que la ministre déléguée à l’Emploi, madame Agnès Maltais, dévoilait le 4 juillet dernier en conférence de presse. Selon les prévisions d’Emploi-Québec, la demande totale de main-d’œuvre au Québec se situera à quelque 592 000 postes d’ici la fin de 2005. De ce nombre, plus de 250 000 seront créés dans la foulée de la croissance économique. Les autres postes correspondant à 57 % des débouchés seront vacants par suite de départs à la retraite.

Dépense exagérée ? D’accord pour le besoin. Mais pourquoi publiciser des offres d’emploi massivement et à coup de très grands espaces publicitaires dans les quotidiens de la province plutôt que d’utiliser les sites d’emploi dont les coûts sont beaucoup moins élevés. Selon Chantal Ste-Marie, au service des communications du Conseil du Trésor, le gouvernement du Québec a des obligations plus grandes envers la population que l’entreprise privée. «Parmi ces obligations, celle de s’assurer que le plus grand nombre de contribuables est informé de l’existence de ces appels de candidatures étant donné que c’est à eux que nos offres s’adressent. Et comme l’ensemble de la population n’est pas branchée, il nous faut adopter un média qui atteint le plus grand nombre», explique Mme Ste-Marie. «Il y a aussi la question de la protection des renseignements personnels sur Internet. Lorsque des formulaires doivent être remplis, les gens devront les imprimer et nous les retourner par la poste étant donné que nous n’avons pas en place en ce moment les mécanismes de protection qui nous permettent de garantir la sécurité de la transmission de telles information par le biais d’Internet.» Dans ces cas, le gouvernement publiera au bas de l’annonce la mention «Les candidatures transmises par Internet ne sont pas considérées.»

Obligation envers la population Mme Ste-Marie souligne également que le gouvernement bénéficie d’escomptes de volume dans les journaux, étant un important annonceur. «Contrairement à une entreprise privée qui peut publier une offre d’emploi en ne précisant que le minimum d’informations, le gouvernement du Québec doit publier le traitement ou l’échelle salariale, les attributions, les conditions d’admission, la période d’inscription, etc., ce qui prend évidemment plus d’espace.» Directeur de la dotation et des bureaux régionaux du Conseil du Trésor, Nicolas Verilli précise que le gouvernement du Québec doit effectuer ses appels de candidature conformément aux dispositions de la Loi sur la fonction publique. «Et c’est le ministère des Relations avec les citoyens et de l’immigration qui en est le maître d’œuvre», explique M. Verilli. «La loi ne nous oblige pas à publiciser nos appels de candidature dans les quotidiens. Elle nous demande plutôt de prendre les moyens raisonnables pour rejoindre le maximum de gens.»

Donc, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les quotidiens ne sont pas utilisés dans tous les cas d’appels de candidatures. «Nous utiliserons les quotidiens pour combler des postes du secteur administratif, par exemple, où les besoins sont fréquents, nombreux et où nous devons avoir sous la main en tout temps une réserve importante», souligne M. Verilli. «Par contre, si nous tentons de combler des postes très spécialisés, nous allons utiliser des publications spécialisées, parmi d’autres.»

De plus en plus, le gouvernement développe des moyens pour atteindre le grand public qui ne passent pas nécessairement par les grands journaux. «Au-delà de notre site, nous développons des hyperliens, nous travaillons en collaboration avec Emploi-Québec et les CLE (centres locaux d’emploi) mais en attendant que presque tous les foyers québécois soient branchés ou aient un accès facile à Internet, et tant que les gens auront l’habitude de consulter les journaux pour rechercher un emploi, il est certain que les journaux demeurent un moyen privilégié de rejoindre le plus grand nombre.» M. Verilli évalue à environ 600 le nombre de concours ouverts chaque année par le gouvernement du Québec. «Tous ces concours se trouvent sur notre site Internet mais seulement une proportion atteindra les grands quotidiens. Allez faire un tour sur notre site et comparez-le à la section carrières et professions de La Presse, par exemple, vous verrez la différence.»

Au-delà du gouvernement «Je pense que le secteur public n’utilise pas uniquement les grands quotidiens pour afficher et ultimement, combler ses postes vacants, au contraire», affirme Céline Bergeron chez Publicité Day. J’aurais même tendance à croire que dans bien des cas, particulièrement dans le domaine de la santé, les employeurs vont préférer utiliser d’abord les sites Internet d’associations professionnelles liées aux postes à combler et qu’ils opteront pour le grand quotidien uniquement s’ils n’arrivent pas à combler les postes en s’adressant directement à la clientèle recherchée.» Selon Mme Bergeron, les sites d’associations professionnelles ont un avantage indéniable puisqu’ils sont visités par les membres desdites associations, même si ceux-ci ne sont pas à la recherche d’un emploi et que les coûts pour y publier une offre d’emploi sont beaucoup moins élevés que les journaux et que les sites d’emploi. «C’est un peu le même principe qu’avec les quotidiens. Je vais lire mon journal le week-end d’un bout à l’autre pour m’informer de la même façon qu’une personne membre d’une association professionnelle visitera son site pour obtenir des renseignements et s’informer sur sa profession, son métier.

Ces médias ont l’avantage de s’adresser à tous, pas seulement aux chercheurs d’emploi, procurant aux employeurs en recherche de candidatures un accès à des gens qu’ils ne pourraient atteindre autrement», précise Mme Bergeron. Parce qu’évidemment, même si une personne n’est pas à la recherche d’un emploi, si elle tombe par hasard sur un offre pour un emploi qui lui permettrait d’améliorer son sort, elle n’hésitera probablement pas à postuler. On ne sait jamais… Toutes les personnes qui font partie du marché du travail ne sont cependant pas nécessairement membres d’une association ou d’un regroupement professionnel, par choix ou tout simplement parce que le métier, la profession ou le travail qu’ils ont choisi n’est pas réglementé ou encadré par un tel regroupement, comme c’est le cas dans le domaine de l’éducation, pour les professeurs, entre autres. Ces employeurs se retrouveront donc majoritairement dans les journaux, et ils utiliseront aussi leur propre site Internet, ainsi que des sites emploi, dans bien des cas.

Ce n’est donc pas demain la veille que les offres d’emploi du secteur publique disparaîtront des pages de nos quotidiens. Par contre, une fois que le renouvellement de la fonction publique québécoise qui est amorcé sera complété, il y a fort à parier que les espaces publicitaires réservés diminueront. Les sites d’ emploi devront user de génie ou attendre que le Québec soit beaucoup plus branché pour espérer récolter la manne des offres d’emploi du secteur public.

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