La valeur du travail? Une question de culture ou de génération? Vivre pour travailler ou travailler pour vivre?

On parle souvent de donner un sens à son travail, mais qu’en est-il réellement de la valeur qu’on lui accorde? Si en Amérique du Nord « travailler fort » est souvent très valorisé ; dans d’autres pays ou cultures, il n’en est pas de même. Ainsi, dans certains pays, quelqu’un qui travaille de longues heures et qui est toujours occupé est assimilé, à ce que l’on appellerait en bon québécois, à une « poule pas de tête » ou à quelqu’un qui « court après sa queue ». Dans certaines cultures, les patrons doivent justement avoir du temps libre et être disponibles, car ils font travailler suffisamment les autres pour se payer la traite. Certes, je caricature mais je ne suis pas si loin. Ici, nous cherchons par tous les moyens à mieux équilibrer notre vie et réduire les longues heures pour nous libérer de la dictature de l’agenda et, d’ailleurs, on mesure l’importance de quelqu’un à sa faculté de ne jamais répondre ou donner suite aux demandes ou encore d’avoir du temps libre pour se consacrer à d’autres activités. En fait, si je me permettais, je dirais que de ce côté de l’Atlantique on travaille de manière plus intense et condensée, alors qu’à l’est on a tendance à étirer les journées pour pouvoir profiter plus longuement des heures de lunch, de pause-café et de réunionite aiguë.

La question de la valeur du travail versus le sens m’a frappée le jour où une amie très chère me lance que je travaille comme une cinglée et que c’est absolument ridicule alors que je sortais d’une rencontre où une autre personne venait justement de me complimenter sur le fait qu’elle trouvait que je travaillais très fort ce qui, selon elle, était un gage de réussite et de succès. Alors quoi? Suis-je un bourreau de travail condamnée aux travaux forcés ou une espèce de poule pas de tête qui court après sa queue? La question se pose. La réponse s’impose : et si j’aimais ce que je fais tellement, que travailler ne représente pas un fardeau (quoique si à l’occasion…) mais une opportunité de me dépasser, d’apprendre, de créer de la valeur et d’inspirer mes équipes.

Mon amie a fait le choix d’une carrière différente, en marge de ce qu’elle avait entamé en début de vie professionnelle. Elle est passionnée autant que moi par son activité, mais son activité ne l’amène pas au même volume ni à la même intensité. Je respecte son choix. Pourtant, ce n’est pas parce que l’on travaille « fort » que l’on est exploité ou encore soumis au diktat capitaliste, mais simplement parce que notre travail a tellement de sens pour nous que nous lui consacrons une grande place dans notre vie.

Question culturelle ou de génération?

Ma fille revient un soir en disant que la génération Millenium (Y) est qualifiée de feignante, sans ambition et égocentrique. Méchant coup pour ma chère progéniture. Néanmoins, je lui fais doucement remarquer qu’elle « l’a eu plus facile que la génération de sa maman » et que, parfois, cela peut créer un sentiment d’injustice, d’amertume et de jalousie pour les générations qui n’ont pas été aussi choyées (i. e. celle de sa mère une X 100 %). Est-ce pour cela que tous les Y sont des petits princes et des petites princesses? Sont-ils autant dans la ouate que les anciennes générations le pensent? Une récente discussion avec un professeur de finance à la maîtrise me disait qu’on était loin du plein emploi et des jeunes ultragâtés. Ses étudiants, maîtrise en finance en poche, CFA en route, peinent à se trouver un emploi et, s’ils refusent certains jobs bien mal payés et sous-qualifiés, c’est parce qu’ils ont travaillé tellement fort qu’ils veulent expérimenter le fameux ROI (retour sur investissement) qu’ils ont étudié sur les bancs d’école. Doit-on les blâmer? D’autant plus que les parents leur ont bien dit qu’ils seraient toujours là tant qu’ils n’auraient pas terminé leurs études ni trouvé un job pour être AU-TO-NO-MES!

Côté culturel, ce qui me fait sourire, c’est que les parents nord-américains laissent partir leurs enfants très jeunes pour aller étudier (grandes distances obligent), mais ils les récupèrent parfois à l’âge adulte. Les parents européens les gardent avec eux jusqu’à la fin des études mais, une fois le nid quitté, « allez ouste! » pas vraiment de billet de retour. Puis, il y a ces familles un peu apatrides qui peuvent avoir des jeunes ados qui quittent le cocon familial pour parcourir le monde très tôt, mais qui gardent un esprit familial très fort et qui accordent surtout à la réussite et au statut social une place de premier plan. Cela résonne un peu comme « va, vis et deviens!». L’histoire des diasporas successives a permis à certains de se sentir chez eux partout dans le monde grâce à l’accueil des membres de leur communauté. Peu importe le sacrifice, les jeunes générations doivent réussir.

Question générationnelle ou économique?

Finalement, à bien y penser, je regarde les jeunes générations d’aujourd’hui et je me dis qu’elles ne sont pas si différentes de la nôtre. Les années 1990 ont laissé bien des traces et un mauvais goût aux jeunes qui sortaient de l’université, boostés par les ambitions des parents et shootés aux théories de la croissance économique apprises à l’université. Une fois sur le marché, ils se sont cassé le nez. Quand on pense aux taux actuels de chômage chez les jeunes espagnols ou grecs, on ne peut que penser que l’histoire se répète et que ces jeunes ressembleront plutôt à la génération X, désillusionnée et amère. La génération Millenium a bien compris que, depuis 2008, le monde avait changé et que la réalité de l’emploi ne leur serait plus aussi favorable qu’à leurs ainés.

La valeur que l’on accorde au travail est intimement reliée à l’éducation, au milieu socio-culturel dans lequel on a été élevé plutôt qu’à la génération, même si elle peut influer. Plus l’environnement financier dans lequel on a été élevé est stable, confortable et aisé, moins la notion de travailler fort pour se faire une place, pour se « battre » fera écho aux valeurs personnelles. Drôle de question à poser à la deuxième génération de familles d’entrepreneurs qui ont hérité du travail de leurs parents. Souvent, la deuxième ou troisième génération qui prend la relève performe moins bien et les entreprises déclinent. Rares sont celles qui traversent les générations. On en a vu récemment qui l’ont fait avec brio et qui transcendent les années. Power Corp est un excellent exemple. Le secret est peut-être détenu par les valeurs transmises dans l’éducation, au-delà des diplômes et des succès scolaires, dans l’ADN familial et dans la capacité des parents à guider et inspirer les plus jeunes.

Références lectures

http://www.huffingtonpost.com/andy-braner/the-value-of-good-old-har_b_3294466.html
http://ideas.time.com/2012/07/04/what-are-american-values-these-days-2/
http://www.lefigaro.fr/emploi/2013/02/21/09005-20130221ARTFIG00552-les-francais-travaillent-moins-mais-sont-plus-productifs.php

Nathalie Francisci, CRHA, IAS. A
Associée

ODGERS BERNDTSON
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