L’art de recruter et d’évaluer un candidat passif

On ne vous le dira pas assez, vous ne cherchez pas de bons candidats mais d’excellents employés. Si le bon candidat détient toujours les bonnes réponses – sachant vous livrer ce que vous souhaitez entendre –, le candidat passif, lui, va vous donner plus de fil à retordre. Il va falloir le percer, le séduire, savoir déceler ce qui le motive et l’exciter à entrer dans l’exercice du processus de sélection sans jamais perdre de vue que vous avez la responsabilité de l’évaluer. C’est un animal sauvage qu’il vous faut apprivoiser. Les recruteurs qui croient encore que le candidat doit se vendre n’auront que peu de succès à recruter les meilleurs talents.
Ils ne sauront livrer à leurs gestionnaires et clients internes que des individus motivés par l’attrait d’une meilleure rémunération ou d’un poste plus prestigieux ou encore par le confort douillet d’une entreprise offrant de meilleurs avantages. Cela ne fera qu’un temps… celui que cela prendra pour se remettre sur le marché en quête d’une meilleure opportunité. Alors qu’en fait, celui que vous cherchez et que votre gestionnaire se meurt d’attendre doit épouser les valeurs de l’entreprise et adhérer à son projet et à sa vision en mettant toutes ses compétences et son savoir-être au service de la mission qui lui sera confiée.

Cher recruteur, vous êtes devenu aujourd’hui un chercheur d’or, un prospecteur de diamants. Votre processus n’est en rien mécanique, c’est une aventure qui vous attend. Oubliez vos traditionnels canevas d’entrevues et vos techniques de sélection poussiéreuses. Partez à la découverte de cet individu en toute sincérité et authenticité et avec humilité (vous n’avez certainement pas toutes les réponses à ses questions). Il faut assez aimer autrui et s’intéresser aux autres pour faire ce métier, sans cela vous n’êtes qu’un recruteur qui cherche à combler ses postes. Ceux qui font ce métier depuis longtemps et qui sont reconnus par leurs clients et leurs candidats pour leur qualité d’écoute et leur professionnalisme sont ceux qui aiment profondément les gens. Ceux-là, seuls, savent gérer les candidats qui ne seront pas retenus pour en faire leurs plus fidèles alliés pour les futurs mandats. N’oubliez pas, un recrutement, c’est une aventure et une expérience avant tout.

  • Créez un climat de confiance. N’accueillez pas un candidat mais une personne, un professionnel. Soyez ouvert et prêt à l’écouter. Ne soyez pas pressé dans vos questions et ne cherchez pas à remplir votre grille de sélection dès son arrivée. Laissez-lui du temps. Mettez la table et instaurer un climat propice au dialogue. Gardez-vous assez de temps et n’enfilez pas les entrevues à la chaîne, vous aurez besoin de toute votre disponibilité mentale. La qualité de votre entrevue dépend complètement de votre propre état d’esprit et non de celui du candidat. Recevez ce candidat comme vous recevriez chez vous une nouvelle connaissance, un futur ami.
  • Repérez les liens qui pourraient vous rapprocher dans ses intérêts personnels. Qui sait si vous ne partagez pas les mêmes passions pour le sport, la culture, un auteur, un film. Venez-vous de la même ville, de la même université, auriez-vous partagé le même professeur ? Récemment, c’est à la toute fin d’une rencontre avec un candidat que j’en ai appris plus que durant l’heure qui venait de s’écouler. L’individu avait inscrit dans son CV qu’il avait couru un marathon en 2002. Je lui demande alors s’il court toujours. Lui, qui avait été jusqu’alors plutôt réservé et avare de commentaires, s’ouvre et m’explique qu’en fait ce fut son dernier car il était devenu papa en 2003. Avec une jeune famille, il avait de la difficulté à continuer cette discipline d’autant plus que sa conjointe, ayant un poste à hautes responsabilités, avait repris son travail rapidement. En l’espace de quelques minutes, j’en ai appris plus sur lui, sa situation personnelle et professionnelle (du coup, on a parlé de ses motivations de manière libre et ouverte…).
  • Ne parlez pas du poste dans les premières minutes. Laissez-le parler de son travail à lui, de son parcours, de ce qu’il aime et de ce qu’il aime moins. Laissez-le venir à vous sans chercher à sauter aux conclusions et à valider à tout prix votre grille ou encore à respecter votre canevas. Qu’importe l’ordre ou la séquence, l’important est d’avoir vos réponses à la fin. C’est comme si vous gagniez à la Lotto avec les numéros dans le désordre…
  • Lorsque vous aborderez le cœur du sujet, dites-lui que vous comprenez bien qu’il n’est pas en recherche active et, qu’au contraire, vous êtes là pour mieux le connaître que ce soit pour cette opportunité ou pour une autre. Pas de pression, pas de questions en rafales. Le fait même de lui dire va le rassurer mais, en même temps, va le piquer… Après tout il s’est déplacé quand même, il est en train d’investir de son temps. Il y a fort à parier qu’il a quand même de l’intérêt. Personne n’a tant de temps à perdre. C’est à ce moment précis qu’il commencera à se mettre en valeur. Quand on veut trop fort on manque son coup. Ceux qui pêchent à la truite le savent bien : il faut feindre le désintérêt pour que le poisson se rue à l’hameçon.
  • Quand vous aurez cerné le personnage et validé un minimum sa motivation, proposez-lui d’y penser, de prendre une journée ou deux pour réfléchir à votre opportunité et à ce que peut offrir votre organisation. Au lieu de vouloir à tout prix fixer un autre rendez-vous, laissez-le vous rappeler. Résistez à la tentation, forte certes, de lui dévoiler votre intérêt. Dites-lui simplement que vous voyez un potentiel pour lui de se développer au sein de votre organisation et que votre groupe pourrait certainement gagner à l’avoir comme talent, mais que tout est une question de « timing ».
  • Faites-le réfléchir sur sa situation actuelle, sur ce qui lui manque aujourd’hui (il vous a confié de bonnes pistes en début d’entrevue). Cherchez la faille et amenez-le à la découvrir et à en prendre conscience.

Lorsque vous serez sur le point de conclure la rencontre, revenez au début de votre discussion et laissez-le sur une note amicale et chaleureuse et sur un sujet autre que celui pour lequel vous vous êtes rencontrés. Dites-lui combien vous avez apprécié cette rencontre et que vous êtes convaincu que, quelle que soit l’issue de ce processus, vous allez garder le contact à l’avenir. Vous aurez gagné ici un allié précieux qui, au pire, vous aidera à identifier votre perle rare ou bien se joindra à votre organisation, convaincu qu’il en partage les mêmes valeurs et cela… qu’il soit votre diamant ou non. N’oubliez pas que le candidat passif, si attrayant qu’il soit, n’est peut-être pas celui que vous cherchez. Si vous deviez ne pas poursuivre avec lui, votre approche vous permettra de mettre fin à l’aventure sans qu’il en soit offusqué.

Nathalie Francisci, Adma, CRHA
Vice-présidente exécutive
chez Mandrake Groupe Conseil

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