Les gentilles entreprises n’attirent pas les stars

 

« Je ne veux pas que mon entreprise ait la réputation d’être gentille. » C’est ce qu’un dirigeant d’une grande entreprise m’a lâché en pleine conversation sur sa stratégie de gestion des talents. À force de trop vouloir plaire et se rendre attractive pour les jeunes générations, à force d’avoir peur de manquer de main d’œuvre qualifiée, à force d’entendre des conférences sur comment séduire les futurs employés (mea culpa, plusieurs de mes conférences portent sur ce thème!), il semble que le rapport de force s’est complètement déséquilibré entre employeur et candidat ou employé. « Je veux être reconnu pour l’entreprise la plus exigeante dans la sélection de ses talents et celle qui abrite les meilleurs talents en ville! », voilà ce à quoi aspire ce CEO.

Ce même dirigeant me contait que, dans les dernières années, son entreprise avait multiplié les programmes de conciliation travail-famille, les espaces détente dans les bureaux, les journées « Je viens avec pitou » et les programmes de formation et de développement personnel et professionnel. Certes, le climat de travail est excellent et les sondages le démontrent puisqu’ils atteignent des 80 à 86 % de taux de satisfaction. Pourtant, certains commentaires inquiètent notre CEO et, en particulier, celui-ci :  « Travailler ici est très intéressant pour un jeune, c’est une très bonne école. » Sous-entendu, c’est bon pour mon CV et je vais pouvoir mettre à profit mon expérience ailleurs. L’appel du nouveau défi le fera succomber à toute forme de loyauté. Autre commentaire ou situation, les employés qui quittent, reviennent! Bien sûr, on applaudit des deux mains et on se mord les lèvres pour ne pas leur dire qu’on le savait. Mais…. ils reviennent aussi parce qu’en face « c’était trop exigeant! ». Oui, les défis étaient au rendez-vous, mais « la pression était trop forte ». Un employé a même dit : « Ce qui est bien avec vous, c’est que l’on se sent comme à la maison, on peut toujours revenir, la porte est ouverte! »

Bien que tout ceci, fort positif, soit le résultat d’une stratégie réussie d’attraction et de rétention des talents – je salue au passage les équipes de ressources humaines qui arrivent à ce genre de résultats –, il n’en reste pas que dans un monde ultra-compétitif, il faut pouvoir compter sur les meilleurs talents de son secteur ou de son industrie et sur leur esprit de compétition. Il faut donc les stimuler tout en créant un environnement de travail positif, mais sans tomber dans un confort « pépère ». Le juste équilibre est la clé. Facile à dire, vous me direz. Comment les chouchouter et s’assurer d’être un employeur de choix, tout en cultivant le goût du dépassement et être reconnu pour « LA » société selon les critères de difficulté à se faire recruter, l’envergure des projets, leur niveau de complexité et l’excellence dans l’exécution et la livraison des produits ou services? Les jeunes générations sont prêtes à se « défoncer » pour faire partie de projets qui les propulseront au rang de « stars » de leur communauté.

« Le confort professionnel endort-il la recherche de l’excellence? » À l’heure où le thème du bonheur au boulot est au cœur des discussions, il faut avouer que c’est un peu à contre-courant. Soyons clairs, il n’est pas question ici de bien-être au travail, car il est indissociable de la satisfaction des employés et de leur engagement. Ce dont il est question, c’est plutôt du confort dans lequel on laisse les employés s’installer petit à petit. Un peu comme un vieux couple qui s’endort dans la routine. Conserver un certain niveau de « stress positif » et d’esprit compétitif est primordial pour maintenir les équipes aux aguets sur la compétition, les nouvelles tendances et l’innovation. C’est encore plus vrai lorsque l’entreprise est leader dans son marché ou son industrie. Ne jamais rien tenir pour acquis, que l’on soit un individu ou une organisation, permet l’autocritique et la remise en question. Toute entreprise devrait souhaiter, à travers un climat de travail sain et un taux de mobilisation élevé, que ses employés soient animés par le désir de se surpasser. À titre d’exemple, on peut lire sur www.ratemyemployer.ca le commentaire suivant de cet employé : « Si vous voulez travailler sous pression avec une équipe extraordinaire dans un environnement ultra-gratifiant, vous savez que ABC est faite pour vous. Si vous préférez un emploi tranquille et routinier, alors ce n’est pas pour vous. » (In summary – if you want to work with amazing team in high pressure, high rewards environment and you know that this is what you really want then ABC is for you. If you prefer employment and predictable work week then you will not fit here.”).

En 2013, nous ne voulons pas séduire nos candidats et employés, nous voulons les exciter et attiser leur passion pour leur métier! C’est la meilleure façon d’être perçu comme une entreprise championne dans son domaine et peuplée de talents exceptionnels. Bref, l’entreprise où il faut être si on veut faire partie des « grands ». On veut des étudiants qui rêvent d’y décrocher leur stage, des jeunes recrues qui se préparent à leur première entrevue comme s’il s’agissait de leur examen final et des candidats expérimentés pour qui se faire embaucher est la consécration de leur carrière. Qui a parlé de mettre en avant les programmes de conciliation travail-famille? Qui a parlé du télétravail, de la journée avec Pitou, de la table de billard? Personne! Ces programmes peuvent et doivent (enfin, pour Pitou je vous laisse en juger…) exister, mais ils ne doivent pas être l’argument numéro 1. La seule raison qui devrait primer c’est la qualité des projets, des individus et la structure que l’entreprise offre. Le message clé est « Voulez-vous faire partie de l’élite? Avez-vous ce qu’il faut? Êtes-vous prêt pour donner le meilleur de vous-même? »

À ce chapitre, les modèles dans ce domaine sont certainement les Google, Apple, McKinsey, ou encore Shell. Ils font d’ailleurs partie des entreprises qui sont les plus coriaces en entrevue et dont le processus de sélection est particulièrement difficile et réservé à « la crème de la crème ».

Attention, on parle ici « d’entrevue difficile », jamais « d’expérience pénible ». En clair, le candidat ressort de l’entrevue avec le sentiment d’avoir été scruté, analysé, d’avoir travaillé fort et donné le meilleur de lui-même pour performer aux standards de l’entreprise. Hum… Personnellement, j’aime ça : un candidat qui met tout son talent en jeu et cherche à donner le meilleur de lui-même sachant qu’il va être évalué par des professionnels qui ne laisseront rien au hasard. Pas de cachettes, de faux-semblants ni de réponses toutes faites. L’équipe de recruteur de choc soumet aux candidats des cas pratiques dignes des universités les plus prestigieuses, des mises en situation, des exercices de jugement et de résolution de problèmes, des questions de culture générale, etc. Un candidat mentionnait d’ailleurs : « Quand tu dois réfléchir rapidement et te retourner sur un dix cents en situation de stress d’entrevue, cela aide à prédire comment tu te comporteras demain dans l’entreprise dans la même situation. »

Il n’en tient qu’à vous d’adapter vos processus de sélection en tenant compte de la réalité. Demandez à vos gestionnaires de vous donner des exemples de situations problématique ou difficile qu’ils ont à gérer dans leur travail, et faites-en un cas de recrutement.

En cette nouvelle année qui débute, il est temps d’aiguiser nos crayons et de viser l’excellence! Si vous voulez les meilleurs talents disponibles, soyez à la hauteur et montez la barre!

 

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