Les offres d’emploi dans les journaux, Solution d’avenir ou témoin du passé ?

Par Anne-Marie Courtemanche

Les offres d’emploi que l’on retrouve depuis toujours regroupées en une section réservée aux carrières et aux professions dans nos plus importants quotidiens et hebdomadaires ont vu leur chasse-gardée ébranlée par l’émergence d’Internet. Dès son éclosion, le réseau est devenu – entre autres choses – une nouvelle vitrine pour les entreprises et les agences de recrutement à la recherche de personnel. Résultat, depuis 1997, on constate l’effritement des revenus publicitaires des journaux dans ce secteur. Peut-on conclure pour autant que la fin des offres d’emploi dans les journaux est proche? Pas si l’on en croit les acteurs provenant de toutes les sphères du monde du recrutement que nous avons interrogés.

De la place pour tout le monde Selon Christiane Legault, responsable de la section Carrières et professions du quotidien Le Devoir, ce dernier ayant une clientèle très ciblée, il se retrouve d’autant moins menacé. «Nous touchons principalement les gens du secteur de l’éducation et de la culture pour qui le média journal a toujours une place de choix», explique Mme Legault. «Mais nous leur offrons aussi une publication gratuite à l’achat d’une première publication et une visibilité sur notre site web pendant deux semaines.» Le Devoir a mis en ligne son site Internet (http://www.ledevoir.com/services-et-annonces/carrieres)  ( originellement http://www.ledevoir.com/ carrieres /carrieres.html) il y a plus ou moins trois ans, soit en 1999. Aucune baisse significative des revenus publicitaires d’offres d’emploi dans la section Carrières n’a été notée. C’est un peu aussi le cas du journal Les Affaires qui a emboîté le pas Internet au cours de la même année que Le Devoir. Comme nous l’expliquait Hervé Jouffroy, directeur Carrières du journal hebdomadaire Les Affaires, «Nous n’avons pas noté de grande différence de revenus puisque nous avons implanté notre site (www.reperes-emplois.com) en 1999 mais aussi parce que les entreprises continuent de vouloir se faire voir et se faire connaître du grand public, ce qu’un site internet d’offres d’emplois ne peut offrir».

Le meilleur des deux mondes Ne ciblant pas une clientèle aussi pointue que celle du Devoir, le journal Les Affaires qualifie tout de même sa section Carrières de «semi grand public». «C’est-à-dire qu’elle intéresse d’abord la clientèle globale du journal Les Affaires et un peu plus», précise M. Jouffroy. Conscient que cette section papier serait probablement deux fois plus importante si Internet n’existait pas, M. Jouffroy considère pouvoir offrir une combinaison bien proche du meilleur des deux mondes à sa clientèle. «Nos clients peuvent bénéficier d’une visibilité papier qui leur permet d’atteindre le lecteur traditionnel du journal qui est en recherche passive, c’est-à-dire qui a un emploi mais qui n’est pas contre la possibilité d’améliorer son sort si la chance se présente mais qui ne se lancera pas à la recherche d’un emploi sur Internet», explique M. Jouffroy. «De l’autre côté, Repères-Emplois dont les informations de base sont publiées dans le journal a besoin d’Internet pour compléter le travail. C’est notre façon d’offrir le meilleur des deux mondes.»

Selon M. Jouffroy, des gens du secteur des ressources humaines préféreraient Internet pour la sécurité que représente le fait de recevoir des centaines de réponses à une offre d’emploi. «Dans certains cas, un employeur pourra préférer recevoir 250 curriculum vitæ à une offre d’emploi publiée sur Internet que 30 à 50 pour la même publicité publiée dans le journal. Certains trouvent réconfortant le fait de recevoir des centaines de C.V. même si la plupart ne correspondront pas aux exigences de la fonction publicisée. Paradoxalement, au moment où des agences vont avoir tendance à préférer Internet pour les offres d’emploi, elles vont du même coup se payer des publicités dans les journaux pour augmenter leur visibilité et se faire connaître du grand public. Parce qu’Internet ne permettra jamais de véhiculer l’image d’une entreprise comme peut le faire un journal auprès du grand public», conclut M. Jouffroy.

Quantité ou qualité? Président de Monster.ca, Gabriel Bouchard est de son côté convaincu qu’Internet continuera d’augmenter son attrait auprès du monde du recrutement. «Depuis 1990, le lectorat global des journaux est en baisse. Moins de personnes lisent donc les sections carrières de ces journaux. Si l’on compare le million de visiteurs uniques que Monster.ca reçoit chaque mois au lectorat total des principaux quotidiens du Canada qui se chiffre à 1,7 millions de personnes, on réalise rapidement que les journaux continuent de perdre en popularité.» Selon M. Bouchard, les journaux devront rivaliser d’ingéniosité avec un lectorat actuel à la baisse et un renouvellement du lectorat bien faible. «Les jeunes qui ont trouvé leur premier emploi sur Internet ne pensent même pas à consulter un journal lorsqu’ils sont en recherche d’emploi», souligne M. Bouchard. «Lorsqu’on considère en plus les coûts de publication beaucoup plus bas sur Internet pour une visibilité équivalente, sinon supérieure, on voit difficilement comment les journaux pourront concurrencer Internet à long terme en matière de carrières et professions.»

Site général fêtant cette année son 5e anniversaire, Monster.ca , empruntant la voix de son président, affirme que grâce à ses agents de recherche et à ses outils de présélection, il est en mesure de contourner ce que les employeurs considéraient auparavant comme les désavantages d’Internet. «Ceux qui ont publié des offres d’emploi il y a quelques années sur Internet et qui se sont aussitôt découragés ne savent pas à quel point la technologie a changé. Nous sommes maintenant en mesure de rejoindre ceux qui ne se cherchent pas un emploi grâce à nos agents de recherche qui font parvenir des offres d’emploi ciblées par courriel et grâce à nos outils de présélection qui permettent aux employeurs d’effectuer le tri des curriculum vitæ reçus pour ne retenir que ceux qui correspondent à ses critères, sans toutefois devoir tous les lire.»

Là pour rester Lise Pinard est présidente de Publifactum, agence de communications en ressources humaines. Travaillant quotidiennement autant avec Internet qu’avec les journaux, elle considère pouvoir bénéficier du meilleur des deux mondes. «Les journaux sont essentiels parce qu’ils permettent à l’entreprise en processus de recrutement de véhiculer son image, sa philosophie, de parler de l’environnement de travail qu’elle offre, etc., ce qu’Internet ne fait pas de la même façon», explique Mme Pinard. «Si nous avons tendance à plus utiliser Internet pour certains postes ou dans certains secteurs, il n’en demeure pas moins que tous les chercheurs d’emploi n’ont pas accès à Internet à la maison. Le journal conservera donc une place à long terme parce que tous y ont accés. Et puisque nous cherchons les gens qui ne cherchent pas, c’est le journal qui nous permet de les trouver», souligne Lise Pinard. Au-delà d’Internet et des journaux, le recrutement se fait aussi par l’entremise des foires, des babillards, etc., obligeant les acteurs du monde du recrutement à plus de créativité lorsque vient le temps de combler des postes.

Qui sait dans quelques années où nous mènerons tous ces modes de recrutement. Nous ne sommes plus à l’abri de l’émergence de nouveaux moyens et rien ne peut nous garantir que nous ne nous questionnerons pas dans quelques années sur l’avenir d’Internet en matière d’offres d’emplois…

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