Parler de son salaire: un tabou?

Quelles sont les raisons de parler (ou non) de son salaire avec ses collègues? Ce genre de conversation sur le milieu de travail peut susciter l’envie, la jalousie, voire causer des psychodrames…

Jaser salaire en milieu de travail au Québec demeure un tabou pour plusieurs. Une étude commandée par l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec, en 2010, révèle que près d'un tiers des répondants n'ont jamais discuté de leur salaire avec leurs collègues.

Selon le président-directeur général de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec (CRHA), Florent Francoeur, la culture judéo-chrétienne y est pour beaucoup. « La perception de la richesse est négative au Québec : on a peur de se vanter, on veut éviter les frictions ou les mauvaises surprises! »

Mais la situation change. « Les plus jeunes sont moins réticents à dévoiler leurs salaires que leurs aînés », révèle Florent Francoeur. De plus, la loi québécoise sur l'équité salariale tend à rétrécir les écarts et à atténuer les perceptions d'injustice. Il y a donc de moins en moins de place à l'interprétation et aux fausses comparaisons entre collègues.

 

La curiosité a un prix

Selon le sondage du CRHA, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à souhaiter davantage de transparence relativement aux questions salariales. « C'est lié à leur perception d'iniquité salariale, et malgré la loi au Québec, elles se sentent encore lésées et veulent des réponses à leurs questions », explique M. Francoeur.

Mais trouver réponse, si c'est auprès de ses collègues, peut déformer la réalité. Comparer son salaire à ceux de collègues mieux payés sans en connaître les raisons peut mener à la création d'un sentiment d'injustice qui minera la motivation. « On est dans la perception : une personne peut être certaine qu'elle fait un travail égal à moindre salaire alors que ce n'est pas le cas, son ou sa collègue ayant une formation ou des compétences supplémentaires », dit M. Francoeur.

La perception d'iniquité est donc souvent surévaluée ou non fondée. Elle mène la personne qui se croit victime d'injustice à se dévaloriser, à trouver de plus en plus de défauts à son employeur et à en vouloir à son voisin de cubicule. « Cela va créer un effet de compétition entre employés qui finira par pourrir le milieu de travail alors que dans la réalité, ces tensions ont plus ou moins raison d'être. » Du même coup, un employé qui se vante d’un salaire plus élevé accentuera le sentiment d'injustice chez plusieurs collègues à la fois.

 

Mettre fin au tabou

Une plus grande transparence est donc de mise, mais avec des informations précises et exactes. Florent Francoeur suggère aux entreprises d'établir des grilles salariales basées sur des critères objectifs et de les faire connaître de tous et toutes. « Si un travailleur est capable d'expliquer pourquoi son collègue gagne plus que lui à partir des explications de l'employeur, il n'y aura pas de distorsion ni de jalousie liée à la perception », ajoute-t-il.

Cette transparence informée aura des bénéfices à long terme pour l'ensemble de la société. En Norvège, par exemple, tous les salaires sont connus! Vous pouvez facilement y trouver combien gagne votre voisin. Et c'est dans ce pays où il y a le moins d'iniquité dans la rémunération et où les écarts entre les salaires les plus élevés et les plus bas sont les moins grands. En revanche, la culture du secret érigée en système, comme aux États-Unis, contribue à perpétrer le tabou et crée un milieu de travail où règne une concurrence souvent malsaine.

 

Pour en savoir plus

http://www.portailrh.org/presse/fiche_texteavanttitre.aspx?f=70604

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