Retour aux sources

Si tous les chemins mènent à Rome, on ne peut en dire autant des transitions de carrière. Quand on connaît la destination finale, tout est simple, au pire, on mettra plus de temps avec quelques crochets par Tokyo ou San Diego. Le hic, c’est quand on en a aucune espèce d’idée. La transition de carrière ressemble à ça.

On quitte un emploi ou une carrière volontairement ou non et on fait le saut dans le vide en se disant que l’on va bien atterrir quelque part au final. Même les grands optimistes et ceux qui ont un plan et un projet précis n’en ont aucune idée. J’aime le concept de la prise de contrôle de sa carrière et de sa destinée « Be your own manager » a d’ailleurs été une de mes conférences les plus populaires. Néanmoins, le contrôle reste limité. On doit composer avec les facteurs économiques, temporels et de disponibilité. Beaucoup d’éléments en dehors de notre contrôle. Les recruteurs le savent bien car malgré tout au final il y a toujours des impondérables et le candidat idéal peut se rétracter, tout comme le projet pour lequel vous aviez été embauché remis aux calendes grecques, incluant l’emploi qui vous était destiné.

Pourtant, il y a un point tournant dans une carrière quand la question se pose : « quelles sont mes racines professionnelles ? Quel est mon ADN professionnel ? ». Il y a de multiples réponses selon votre formation académique, votre cheminement dans une industrie ou encore certaines compétences particulières. Après un certain nombre d’années d’exercice professionnel (entre 15 et 20 ans), vous êtes supposés connaître votre valeur sur le marché, mesurer vos forces et faiblesses et pouvoir vous « enligner » sur les bons choix de carrière. Nombre ceux qui ont avancés dans leur vie sans s’être vraiment posés de question se laissant simplement guider par les succès ou les échecs. Selon l’économiste Neil Howe (voir ici sa bibliographie http://en.wikipedia.org/wiki/Neil_Howe ) seulement 5% des individus choisissent leur carrière ou leur profession du premier coup. Combien de comptables, avocats ou autres professionnels ais-je rencontré se décrivant comme de « faux comptables ou faux avocats » en clair : « je suis capable de performer dans cette profession mais je ne l’aime pas et je ne me reconnais pas dans les valeurs de mes pairs. » Bref, c’est l’histoire du jeune adolescent dont les parents dictent : « Tu seras médecin ou avocat » et qui suivent les traces de leurs parents, fautes d’autres options, de latitude de décision ou de projet alternatif. (NDLR : En ce mois de rentrée et de tournée de secondaires ou de cegeps ou d’universités, chers parents, évitez de projetez vos propres désirs ou rêves brimés sur vos enfants, vous ne ferez que recréer des adultes frustrés et perdus dans leurs choix de carrière…. Fin de citation et retour à nos moutons….)

Comme recruteur, combien de fois ais-je posé la question à des candidats : « qu’est-ce que vous voulez vraiment ? ». Plus facile à demander que d’y répondre. Les candidats détenant une certaine maturité professionnelle (i.e. : entre 15 et 20 ans) sont dans 90% des cas capables de dire ce qu’ils ne veulent plus mais très rarement précisément ce qu’ils souhaitent ardemment et profondément. Parce qu’en fait, ils n’en ont pas la moindre idée. Ils finissent par se laisser porter au gré des opportunités ou de la nécessité. Cela ne veut pas dire qu’ils ne feront pas une « bonne job » cela veut dire qu’ils risquent un jour de tomber dans l’ennui et baisser en performance. Sans passion point de résultats.

Il faut parfois retourner à ses racines en toute humilité et malgré les grandes ambitions qui vous animent. Soyons réalistes, certaines de ces ambitions sont de l’ordre des fantasmes. Le rêve du CFO qui aspire à devenir entrepreneur ne se réalise que très rarement et celui du directeur des ventes qui lance sa propre ligne de produits et de service aussi. Bien que j’ai rencontré quelques exceptions, elles ne restent que des exceptions. Cette semaine, j’ai conseillé une ancienne représentante de produits d’assurances qui a toujours rêvé de faire de la radio. Gros changement. Gros risque. Elle a quitté le mois dernier un emploi plus que stable dans très grande entreprise de services financiers pour se lancer dans son projet. À fond. Je l’admire. Je l’encourage aussi, mais pas sans réalisme. Ses racines, son ADN professionnel sont plus proches de la communication et de son projet actuel que de l’assurance. Elle a passé les dix dernières années dans un travail à vocation « alimentaire » en niant ses profondes racines. Je sens qu’elle va réussir. Le travail de recruteur, c’est de saisir d’où viennent les candidats, quelles sont leurs racines et leurs profondes ambitions, leur passion, contre et malgré eux parfois. Claude Gaudreault, coach et psychologue industrielle un jour m’a raconté cette histoire du poisson volant.

« C’est l’histoire d’un poisson de fond des océans qui rêvait d’être un poisson volant. Obsédé par son rêve, il passait son temps à essayer de voler en dehors de l’eau pour retomber chaque fois platement. Un jour il s’est épuisé et à da dernière ultime tentative il s’est fait attraper par un cormoran affamé. »

Certes, il est mort heureux et fier de ses exploits. Mais il a passé sa vie à chercher à ressembler à quelque chose qu’il n’était pas. Voici la morale. On est ce que l’on est et on est qui on est. Rien ne peut vraiment y changer. Votre ADN est plus fort que tous les programmes de développement personnel. Misez sur qui vous êtes. Misez sur les forces de vos candidats. Minimisez les risques, surtout que dans l’humain, il y en a assez, pas besoin d’en ajouter.

Je parle d’expérience. Après une longue pause du recrutement de cadres, j’y retourne aujourd’hui. Dans un autre environnement, plus international, plus grande organisation mais j’y retourne. Parce que j’aime ça. Parce j’ai toujours aimé profondément ce métier malgré tout. Je ne serai pas un poisson volant, je ne serai pas non plus un tigre du bengal, mais je serai ce que je suis et ce que j’ai toujours été, malgré les désirs, les doutes et le reste. Merci à tous ceux qui m’ont aidé dans mon processus et qui m’ont ouvert tous les horizons possibles. Je retourne à mes racines et mon ADN pour le meilleur, sans craindre le pire.

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