La retraite des baby-boomers

Dossier : Transfert des connaissances : l’urgence d’agir !

Un grand nombre de baby-boomers joindra bientôt les rangs des joyeux retraités. Avec le départ massif d’une grande portion de la force de travail, les organisations risquent de perdre des montagnes de savoirs stratégiques… Et si de nombreuses entreprises ne s’en doutent pas encore, les bonnes pratiques de transfert de connaissances pourraient leur sauver la vie. « Lorsqu’une personne quitte son emploi, c’est environ 80 % de l’information qu’elle possède qui quitte aussi. Ce savoir tacite qui s’en va, c’est la mémoire de l’organisation. Dans un département de 10 personnes, si 7 d’entre elles quittent dans un délai de 24 mois, l’organisation est en péril. » C’est en ces termes, qui ressemblent à un avertissement, que Michel Simard, conseiller en formation et en planification de la retraite au Cégep Marie-Victorin justifie l’urgence d’agir en matière de transferts des connaissances. Ce discours, il l’a répété plusieurs fois lors de ses conférences sur l’exode des cerveaux, le savoir-être et le savoir-faire. Déjà, plus de 30 000 personnes ont suivi ses formations portant sur le départ à la retraite. Avec ses années d’études portant sur la gestion des connaissances dans les organisations, il sait ce qui attend ces dernières si elles n’adoptent pas des mesures concrètes, et ce, dès aujourd’hui.

Le savoir d’une entreprise, une espèce menacée ?

Dans une économie du savoir telle que la nôtre, l’information que possède une entreprise est synonyme de différence, de concurrence et de croissance. Dans un contexte où de nombreux baby-boomers prennent leur retraite, en abandonnant souvent des postes-clé au sein de l’entreprise, le savoir devient alors plus que menacé… Si Michel Simard formule ses interventions sous forme d’avertissement, c’est que la situation est plus qu’inquiétante et surtout… la majorité des entreprises n’en sont pas encore conscientes ! « C’est l’ère de la spécialisation, avec la révolution industrielle, qui nous a poussés vers la structure que nous connaissons aujourd’hui, explique Michel Simard. Dans une économie de transformation où le personnel est interchangeable, cela passe encore. Mais aujourd’hui, nous sommes dans une économie du savoir. Si le Canada est dans une situation concurrentielle, c’est qu’il a le savoir pour le faire. Si nous laissons continuer cet « exode des cerveaux », nous allons droit vers un vide de connaissances extrêmement grave. » Les entreprises doivent investir maintenant afin de s’y préparer. Les problèmes liés au partage des connaissances C’est une chose de prendre conscience des problèmes inhérents à cet « exode des cerveaux », mais encore faut-il trouver des solutions efficaces pour partager les connaissances entre ceux qui partent et ceux qui prennent la relève… Or, plusieurs obstacles nuisent aux efforts de partage des connaissances. À titre d’exemple, M. Simard note : « Les organisations pensent que les baby-boomers vont accepter de reporter leur départ de quelques années. Ce n’est pas le cas. Et c’est un problème majeur ». Les baby-boomers veulent prendre leur retraite… et vite ! « Les médias de masse ont ancré dans l’esprit des gens l’idée de Liberté 55, poursuit Michel Simard. Ces gens possèdent des économies ou des rentes qui leur donnent l’illusion qu’ils peuvent vivre une retraite dite « de loisirs ». Mais après une année de vacances, ces gens veulent continuer à se réaliser et reviennent donc sur le marché du travail… mais pas nécessairement au même poste. Ils veulent essayer autre chose. » Le premier obstacle au bon partage des connaissances est de taille : les baby-boomers sont pressés de partir et il est faux de croire qu’ils reviendront dans l’entreprise, même si la plupart reviendront sur le marché du travail…

Un climat défavorable

Deuxième problème : la mentalité actuelle dans les organisations est la rétention d’informations. « Avec les mises à pied massives des dernières années, ce comportement est normal, ajoute Michel Simard. Pendant 15 ans, nous avons eu des gestionnaires technocrates qui ont mis à pied des milliers de personnes en pensant que tous ces gens-là étaient remplaçables. » Conséquemment, les gens en sont venus à cultiver l’idée que l’information qu’ils détiennent ne doit pas être partagée avec le reste de l’organisation, puisque c’est la plus-value qui justifie qu’ils occupent toujours leur emploi. Dans un contexte pareil, il n’est pas étonnant de sentir des réticences lorsqu’on demande à un futur retraité de partager ses connaissances ! « Nous, on travaille en amont, sur le climat de l’organisation, explique Michel Simard. À partir du moment où c’est clair et qu’il y a une entente entre les employés et la partie patronale, il est possible d’instaurer de bonnes pratiques de partage et de transfert des savoirs. »

Partage plutôt que transfert

Même si, dans le langage populaire, on parle souvent de « transfert des connaissances », Michel Simard préfère parler de « partage des connaissances » : « L’effort ne consiste pas uniquement à transférer l’information des plus âgés aux plus jeunes. C’est dans les deux sens que ça se passe. Il faut, par exemple, partager les informations technologiques mises à jour d’un plus jeune avec les informations d’une personne qui a quitté l’université il y a 18 ans ». Concrètement, ce partage des connaissances peut se faire de plusieurs façons. « Prenons, par exemple, un département où dix personnes sont reliées à un serveur. Chaque professionnel possède sa propre façon de gérer son classeur, ses papiers et son courrier électronique. Dans l’ensemble, rien n’est cohérent. Un des volets que nous abordons, c’est la gestion des contenus. On pourrait, par exemple, classer les dossiers partagés par activité et non par dossier-client. Pourquoi ne pas créer un dossier « soumission » qui regrouperait l’ensemble des soumissions faites par le département ? Ainsi, chacun pourrait s’inspirer d’une autre soumission afin d’en créer une nouvelle. Le partage des pratiques, c’est ça. »

Une approche efficace

Le Cégep Marie-Victorin et DMR Conseil travaillent de concert afin d’offrir aux entreprises des solutions qui fusionnent une approche organisationnelle gagnante et des outils technologiques qui favorisent le partage des connaissances. L’approche privilégiée comprend trois aspects : la préparation des futurs retraités, le transfert des connaissances entre les aînés et le personnel de relève et l’institutionnalisation des bonnes pratiques de gestion des connaissances. C’est surtout lors de cette dernière étape que l’on mettra en place les mécanismes afin de recueillir, partager et réutiliser les connaissances. À ce sujet, M. Simard donne l’exemple de Boeing, chez qui on a installé une ligne téléphonique du genre « 9-1-1 » : « Tous les employés peuvent communiquer avec un agent pour obtenir n’importe quelle information. Toutes les questions adressées à cette ligne alimentent une banque de données d’informations chez Boeing. » Cette banque de données fera partie intégrante du savoir de l’entreprise. À l’aube du XXIe siècle, l’information est le nerf de la guerre… En instaurant une culture de partage des connaissances et des technologies pour supporter ces pratiques, il est possible de diminuer les pertes de savoirs dans une organisation… et d’augmenter ses chances de survie !


Michel Simard est conseiller en formation et en planification de la retraite. Il peut être rejoint à l'adresse michel.simard@collegemv.qc.ca

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