Peut-on être « trop » empathique ?

 

Qu’est-ce que l’empathie ?

La notion d’empathie réfère, selon Hoffman, à un état émotionnel déclenché par l’état émotionnel d’autrui ou par une situation. On sent ce que l’autre ressent ou ce qu’il est supposé ressentir dans le contexte où il se trouve. Lorsqu’on est empathique, on vit de la détresse émotionnelle face à des personnes qui souffrent (pauvreté, danger, douleur…), mais on sait que c’est une réponse à ce que vit autrui, pas soi-même.

L’empathie est aussi la capacité intellectuelle ou cognitive à se mettre dans la peau de l’autre, de ses valeurs, de ses limites et de ses perceptions. Par exemple, si vous détestez les chats mais que votre meilleur ami perd le sien qu’il adorait, il vous sera possible de comprendre sa peine, d’en être triste pour lui, et en même temps, de prendre la distance nécessaire pour offrir votre soutien.

L’empathie en milieu de travail permet, entre collègues, de créer une solidarité et un sentiment d’appartenance salutaires pour le moral des « troupes ». Mais peut-on être trop empathique selon sa fonction, cela nous empêchant de l’accomplir au mieux ? Et comment contrôler cet excès d’empathie ?

Peut-on trop « empathiser » ?

La détresse empathique réfère, selon les scientifiques, aux émotions négatives vécues face à la personne souffrante, et que l’on cherche à diminuer en offrant son aide lorsque cela est possible. Mais parfois, ces émotions négatives sont envahissantes, intenses, voire traumatisantes. Ainsi, certaines personnes vont vivre ce que les scientifiques appellent une hyper-activation empathique (empathic over-arousal) où la détresse devient très aversive, à un point tel que les personnes vont « oublier » et penser à d’autres choses (Hoffman, 1978). Lorsque l’on se sent incapable d’aider la victime ou de garder la détresse à un niveau tolérable, on est plus vulnérable à vivre cette hyper-activation empathique.

Ainsi, une étude scientifique a montré que les infirmières débutantes étaient tellement hyper-empathiques face à des patients en phase terminale qu’elles les évitaient. Cependant, elles changeaient d’attitude lorsqu’elles prenaient de l’expérience et pouvaient alors améliorer la qualité de vie de leurs patients (Williams, 1979). Certaines professions demandent beaucoup d’implication envers autrui et sont plus « à risque » de faire vivre de l’hyper empathie. Par exemple, les aidants souffrent souvent de détresse intense face aux traumatismes de leurs patients (Figley 1995), ce qui est appelé des traumatismes indirects (vicarious trauma).

Les techniques pour pallier la détresse empathique

Les cliniciens utilisent des stratégies pour faire face à ces situations d’hyper empathie comme des techniques mentales pour traiter l’information : prendre de la distance en imaginant le traumatisme comme irréel, se forcer à être un observateur objectif, se distraire en pensant à autre chose, se souvenir des succès passés…

D’autres utilisent des techniques de respiration ou encore de relaxation. Consulter ses collègues et superviseurs, en parler à ses proches, débuter une activité dans des groupes d’entraide, s’impliquer dans un service communautaire ou faire du sport sont autant de bonnes tactiques. L’important est de reprendre le contrôle sur les éléments anxiogènes et traumatisants et de les « digérer ». Or, les traumatismes et émotions négatives se gèrent plus sainement par leur expression et leur compréhension, sans quoi elles risquent d’être refoulées, toujours présentes de façon brute (« flash ») et surgissant de façon inattendue, ce qui épuise et, à la longue, use la résistance au stress.

En vivant de l’empathie, on jongle entre la détresse empathique et les tentatives de rester objectif. C’est un équilibre finalement difficile à trouver dans certaines professions, mais qui peut être atteint si on est empathique… d’abord envers soi !

References :

– Figley, C.R. (1995). Coping with secondary traumatic stress disorder in those who treat the traumatized. New York: Brunner/Mazel

– Hoffman, M.L. (1978). Empathy, its development and prosocial implications. In C.B. Keasey (Ed.), Nebraska Symposium on Motivation25, 169-218.

– Williams, C. (1989). Empathy and burnout in male and female helping professionals. Research in Nursing and Health12, 169-178.

Nadine Murard, Ph.D
Formatrice, chercheure en émotion, intelligence émotionnelle, motivation et leadership
nadinemurard@hotmail.com
 

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