Intelligence émotionnelle au travail : ingérence ou compétence ?

Vouloir recruter des employés ayant certaines compétences émotionnelles n’est pas nouveau : non seulement on recherche un candidat ayant des compétences professionnelles adéquates (ex : compétences sociales dans la vente) mais aussi quelqu’un qui sera persévérant et responsable face à son travail. Cependant, d’autres compétences sont moins facilement identifiables alors qu’elles sont fortement reliées à l’absentéisme et à la performance. Ainsi, la résistance au stress, une qualité majeure, ne peut se déceler facilement lors d’un entretien d’embauche. En effet, la capacité à équilibrer les différents aspects de sa vie (travail et famille) et une saine gestion du stress sont les principaux facteurs protecteurs contre l’absentéisme. Or, les recruteurs sous-estiment ces deux aspects*. Il serait pourtant gagnant pour une entreprise d’aider ses employés à optimiser leur équilibre famille-travail et leur gestion du stress : 82% des demandes d’invalidité de courte durée et 72% pour les cas de longue durée concernent des problèmes de santé mentale et de stress

Aider les employés à gérer leur stress, mais comment ?

En fait, la source principale du stress est la perte du sentiment de contrôle : avant qu’il ne soit trop tard, l’employeur peut donc faire en sorte d’augmenter la perception de contrôle chez ses employés stressés en leur offrant des outils adaptés et concrets et des horaires flexibles. Pourtant, cette approche quasi-thérapeutique peut ressembler à de l’ingérence de la part d’un employeur. Comment alors faire la part des choses entre des compétences minimales que l’on veut développer chez son personnel et de l’ingérence dans son intimité ? L’intelligence émotionnelle offre des outils adaptés prometteurs face à ces problématiques.

Dans le monde scientifique, Peter Salovey et ses collègues ont proposé le concept d’intelligence émotionnelle (IE), défini comme « la capacité à percevoir des émotions, à accéder à des émotions et à les générer afin d’aider le processus de raisonnement, à comprendre et à avoir des connaissances sur les émotions, et à gérer les émotions afin de promouvoir une croissance émotionnelle et cognitive ». Les émotions ont donc été rehaussées à un niveau comparable à celui de la raison dans les facteurs déterminant la réussite et la satisfaction de vie. L’IE en milieu de travail a été par la suite popularisée, puis galvaudée. Elle permet pourtant de développer différentes compétences intrapersonnelles et interpersonnelles fondamentales qui sont notamment préventives contre le stress et la détresse psychologique.

Selon le modèle de Goleman, l’IE comprend 5 aspects :

1- La connaissance de soi et la conscience émotionnelle permettent de connaître ses forces et ses limites. Nous sommes ainsi conscients de nos émotions quand elles surgissent. Une personne est compétente dans ce domaine quand elle se connaît bien, démontre un bon vocabulaire émotionnel et a une bonne estime d’elle-même. Ses atouts seront d’avoir confiance en elle, de connaître ses besoins et de bien les exprimer.

2- La maîtrise des émotions concerne l’expression émotionnelle, le discours intérieur et les aptitudes au « coping » (capacité à gérer un problème). Si un candidat risque de côtoyer un environnement de travail stressant, cet aspect de l’IE est prépondérant, puisqu’il concerne directement la gestion du stress : gérer les humeurs et les pensées négatives, rester optimiste…

3- L’automotivation est basée sur la capacité à gérer son impulsivité et à persévérer concrètement vers un objectif. Un employé automotivé saura surmonter les déboires et se motiver après un échec plutôt que de se décourager. Il aura également des habiletés dans la gestion du temps et la planification.

4- L’empathie est une compétence indispensable pour tout type de travail de communication et de collaboration, même minimal : communiquer avec diplomatie mais authenticité, gérer les conflits, avoir une bonne écoute. Un individu ayant ces aptitudes sera recherché et apprécié de ses clients et de ses collègues.

5- Enfin, les capacités relationnelles consistent à savoir motiver autrui, à communiquer son enthousiasme et à persuader. Ce dernier aspect s’observe chez un leader qui motive une équipe pour atteindre un objectif.

Mais si on veut aider ses employés, on peut avant tout leur montrer l’exemple et suivre la cinquième compétence de l’IE : les modèles offerts sont bien plus influents que les longs discours et un employeur qui sait équilibrer sa vie, fait du sport et passe du temps avec sa famille tout en démontrant de la discipline au travail inspirera son personnel à faire de son mieux sans se détruire pour autant !

Nadine Murard, Ph.D., est consultante en gestion du personnel, formatrice et chercheuse en intelligence émotionnelle ainsi que conférencière et chargée de cours à l’UQÀM.
nadinemurard@hotmail.com

* Source : La Presse – Lundi 17 décembre 2007 – « Causes d’absence au travail: Stress et santé mentale au premier rang » par Jacques Benoît

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