Le Québec tire de l’arrière en formation des adultes

La formation continue : un défi à relever!

Le Québec tire de l’arrière en formation des adultes. Présidé par Claude Pagé, le Comité d’experts sur la formation continue a rendu public son rapport à la fin juin. Cap sur l’apprentissage tout au long de la vie sonne l’alarme. « L’apprentissage tout au long de la vie est une nécessité incontournable et croissante, rappelle ce comité. Dans ce contexte, une solide formation de base est dorénavant le minimum requis pour participer à la société, s’intégrer au marché du travail et s’engager dans un processus de formation continue. » Où en sommes-nous?

La formation de base

Le Québec se trouve dans une situation paradoxale : les élèves québécois réussissent bien… lorsqu’ils ne décrochent pas. En 2002, près du quart de la population québécoise âgée de 25 à 64 ans n’avait pas complété une scolarité de niveau secondaire. La moyenne des pays de l’OCDE s’élève à 34%, mais elle n’est que de 13 à 15% pour les Etats-Unis, le Canada et l’Ontario. Élément positif : « la qualité de la formation de base au Québec apparaît largement concurrentielle », convient le comité d’experts. De plus, « le Québec a fait un progrès important quant à la proportion de sa population titulaire d’un grade universitaire », souligne le rapport. Entre 1992 et 2002, ce taux est passé de 13% à 19%. Cela place le Québec au 5e rang des 23 pays de l’OCDE. Les États-Unis et le Canada se classent respectivement à 28% et 20%. En Ontario, le taux de diplomation universitaire s’élève à 24%. Même si le Québec a progressé, il reste donc du chemin à faire.

Formation continue

En formation continue, le Québec tire de l’arrière non seulement face aux pays de l’OCDE, mais aussi face aux provinces canadiennes. Le Canada se classe au 11e rang des 17 pays étudiés pour le taux moyen de participation à des activités de formation continue liées à l’emploi. Le Québec se situe au 14e rang, des pays de l’OCDE et au dernier rang des provinces canadiennes, loin derrière l’Alberta, l’Ontario, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse. Le comité d’experts a évalué les forces et les faiblesses de la formation aux adultes. Il apprécie la diversité des activités, leur décentralisation sur l’ensemble du territoire et l’existence de leviers pour le développement de la main-d’œuvre, dont le Programme d’apprentissage en milieu de travail et la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d’œuvre au Québec (communément appelée Loi du 1%).

Parmi les faiblesses, le comité observe l’absence de passerelles ou de programmes intégrés entre les niveaux de formation, particulièrement en formation professionnelle et technique des niveaux secondaire et collégial. Le comité y déplore aussi l’inexistance de la formation à temps partiel, il souhaite un changement de cap à cet égard. Le comité relève des difficultés persistantes à recourir à l’apprentissage en milieu de travail : « l’offre éducative s’inscrit encore dans une dynamique convenant davantage aux jeunes qu’aux adultes », estime-t-il. Il constate que les petites entreprises et les travailleurs autonomes sont exclus de la « Loi du 1% ». Les experts regrettent que les travailleurs ou leurs représentants syndicaux soient rarement associés à l’élaboration et à la mise en œuvre des stratégies ou des programmes de formation.

Un faible taux de participation

Le comité d’experts y va d’un constat clair, mais troublant : « Au Québec, toutes les catégories professionnelles, tous les types d’entreprises et tous les secteurs d’activité participent moins à des activités de formation continue que ceux des autres provinces canadiennes. » Ainsi, le taux de participation des adultes à des activités de formation continue pour des motifs professionnels au Québec (15,1%) est inférieur de 6% au taux canadien (21,5%), qui est lui-même inférieur de 7% au taux moyen des pays de l’OCDE (28%). Quant à la participation des adultes à des activités de formation structurée, le taux s’élève à 10% au Québec, comparativement à 16,7% au Canada. La Fédération canadienne des entreprises indépendantes fait un constat semblable : 24% des PME québécoises n’offrent aucune formation à leurs employés, comparativement à 12% au Canada. Pourquoi? Les difficultés des entreprises s’expliquent pas l’absence de fonction structurée de gestion des ressources humaines, le manque de temps pour planifier les activités de formation et la réticence des entreprises à formaliser ces activités.

Quant aux travailleurs, ils invoquent principalement le manque de temps. Ce motif surclasse de loin les horaires des cours ou leur coût ainsi que l’absence de soutien des employeurs. Les budgets de l’État y sont, pourtant. « L’importance du financement de la formation continue au Québec est au moins comparable à celle de la plupart des autres juridictions, reconnaît le comité d’experts. Les résultats moindres au Québec (quant à la participation) pourraient s’expliquer en partie par un accent plus important mis ici sur la formation structurée, sur les activités en établissement d’enseignement selon un mode temps plein ou sur des activités de plus longue durée. »

Les alternatives

Le comité d’experts pose un certain nombre d’alternatives. D’abord au niveau du financement. Les employeurs et les individus doivent y contribuer davantage. Le comité propose que l’État assure le financement de la formation générale de base et celle des chômeurs et des inactifs. « Ces formations comportent de nombreux avantages qui se répercutent sur toute la société », justifie-t-il. L’État doit aussi avoir le mandat d’appuyer le financement de la formation postsecondaire. En formation continue, pour atteindre la moyenne canadienne, le Québec devrait hausser sa participation d’au moins 100 000, voire 350 000 travailleurs d’ici trois ans. Or, le comité reconnaît que les capacités de payer de l’État sont minces. Il établit donc deux principes de base. D’une part, il appartient d’abord aux individus de financer les activités qu’ils entreprennent de leur chef, que la finalité de la formation soit professionnelle ou non. D’autre part, le financement des activités de formation en entreprise doit d’abord provenir des employeurs. L’État doit appuyer ces initiatives en développant des mesures de soutien. Elles existent déjà partiellement. Ainsi, les règles fiscales fédérale et provinciale permettent de retirer des sommes d’un REER pour les consacrer à la formation. Il s’agit du Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP). Cette mesure comporte toutefois des limites contraignantes. Seule la formation à temps plein de longue durée est admissible. De plus, les sommes retirées du REER doivent y être éventuellement remises intégralement.

Le comité d’experts propose l’élargissement du bassin de formation admissible, afin d’y inclure la formation de courte durée et à temps partiel. Il recommande de plus une contribution monétaire de l’État, que ce soit par une subvention à la formation ou une aide lors du remboursement au REER. « Le (REEP) apparaît plus prometteur que d’autres dispositions mises en vigueur dans certains pays de l’OCDE », estiment les experts. Ils suggèrent plusieurs pistes concernant les entreprises. Ils appuient le Bureau de normalisation du Québec dans la création d’un processus de certification des entreprises en matière de développement des compétences. Ils considèrent qu’une telle mesure favorise l’accroissement de l’offre de formation, l’oriente vers des formations plus générales, assure une meilleure répartition des efforts entre les catégories professionnelles et facilite le partage des coûts entre les employeurs et les individus. Les experts recommandent aux entreprises de promouvoir les ententes individuelles ou collectives de formation avec leurs employés. Par exemple, cela pourrait prendre la forme de contribution à des comptes d’épargne-temps en vue d’éventuels congés de formation. Ils souhaitent aussi une augmentation du nombre des entreprises qui collaborent à la formation professionnelle et technique. La formule d’alternance travail-études a fait ses preuves. Elle contribue notamment à diminuer le taux de décrochage.

Reconnaissance des acquis

Cap sur l’apprentissage tout au long de la vie consacre un chapitre complet à la reconnaissance des acquis et des compétences. Depuis les années 1980, mentionne le rapport, « le Québec a parcouru beaucoup de chemin en ce qui a trait à la prise de conscience de l’importance de la reconnaissance des acquis et des compétences pour les adultes. Cependant, des pas énormes restent à franchir en ce qui concerne sa mise en œuvre. » Le rapport propose la création de centres régionaux de reconnaissance ainsi qu’une structure interministérielle pour assumer le développement, la coordination et le suivi de la reconnaissance. « Les adultes peuvent apprendre de différentes façons, par de multiples moyens et dans divers lieux », rappellent les experts. Encore faut-il qu’ils y trouvent leur compte.

Source :Comité d’experts sur le financement de la formation continue, Cap sur l’apprentissage tout au long de la vie, 2004, Québec, 184 pages.

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