Que faire des employés à haut potentiel?

La chasse au talent s’accentuera au cours des prochaines années. Dans un tel contexte, les employés à fort potentiel deviennent d’autant plus précieux. Quand ils se trouvent déjà au sein de l’entreprise, comment s’assurer qu’ils y restent et se développent?

Créée en 1984, Axa s’était donné l’objectif d’être au premier rang de son secteur, en France, au tournant des années 2000. Il a fondé l’Université AxaPhilippe Colas en fut responsable dès la création en 1995 et ce jusqu’en 2002. « Les objectifs de croissance impliquaient l’acquisition d’entreprises, donc l’intégration d’effectifs, et le développement des compétences au sein même de l’entreprise », précise-t-il. Au moment où il a quitté l’Université Axa, en 2002, l’entreprise déjà présente dans 61 pays, comptait 100 000 employés et s’exprimait en 24 langues.

On y retrouve donc une importante diversité culturelle dont l’entreprise devait tenir compte « Dans certains pays, un employé à fort potentiel est très bien perçu, tandis que c’est moins le cas ailleurs, estime Philippe Colas. Dans une société très consensuelle et collégiale comme les Pays-Bas ou le Québec, être perçu comme un employé à très fort potentiel, c’est être vu comme trop brillant, trop intelligent et à risque de provoquer du trouble dans le consensus. » Comment faire face à ces différences culturelles? « Au Pays-Bas, répond Philippe Colas, la décision d’envoyer une personne à l’Université Axa était une décision collégiale. En échange, le participant au programme devait redonner beaucoup à la collectivité ; il ne suivait pas ce programme seulement pour lui, il devait faire rapport de ce qu’il avait appris.

À l’inverse, là où l’employé à très fort potentiel est très bien perçu, le participant à l’Université Axa est désigné par la direction et a beaucoup moins de comptes à rendre à son équipe de travail. » Ce programme de l’Université Axa s’adresse aux personnes à très haut potentiel et regroupe de 30 à 35 personnes par année. Il dure de 60 à 65 jours, réparti sur deux ans. Il compte trois grandes parties.

  • La première en est une de réflexion générale sur l’économie, la démographie, l’éthique, les grands enjeux de société, le management. « Cette partie comporte des conférences, des échanges et des travaux », précise Philippe Colas.
  • La deuxième partie du programme est essentiellement fondée sur un engagement dans la communauté à l’extérieur des heures de travail, auprès des toxicomanes ou des personnes handicapées, par exemple. « C’est l’occasion pour le participant de réfléchir sur lui-même, sur les problèmes qu’il rencontre dans son engagement et sur le leadership », souligne Philippe Colas.
  • Dans la troisième partie de sa formation, qui dure une trentaine de jours, le participant réalise une mission au sein de l’entreprise. « Par exemple, ce pourrait être la réalisation d’une étude prospective sur la vente d’assurances au Canada », illustre Philippe Colas. L’une des règles du jeu : le participant réalise cette partie de la formation dans un autre pays que son pays d’origine. Ainsi, l’étude du marché au Canada pourrait être réalisée par une équipe de deux français, un allemand, un espagnol et un américain.

Après la formation, le participant peut obtenir un poste de haut cadre au sein de l’entreprise. « Nous les encouragions à d’abord accepter un poste à l’extérieur de leur pays d’origine pour une durée de trois à cinq ans », mentionne Philippe Colas. Après leur formation, les participants bénéficient d’un forum d’échange sur Internet et d’une rencontre annuelle de deux jours afin de maintenir le réseau créé pendant la formation et poursuivre leur réflexion sur les grands enjeux de l’heure. Le bilan de l’expérience? Les participants ont découvert d’autres cultures, ils ont tous continué à s’engager dans la communauté après la deuxième phase de la formation et ont bénéficié de conférences prononcées par des experts internationaux. « Pour l’entreprise, le bilan est mitigé, souligne Philippe Colas. Le quart des participants ont quitté l’entreprise après leur formation. C’est qu’elle est très bien perçue dans certains pays, elle constitue donc un élément important pour les chasseurs de tête. » Philippe Colas estime que tout le monde devrait obtenir une formation sur ce qu’est le potentiel : ses caractéristiques, son importance, son caractère cyclique. « Le potentiel évolue dans le temps, souligne-t-il. Il peut être lié au plafond des compétences d’un individu ou aux choix de priorités d’une personne à certains moments de sa vie. »

Les talents de la relève

« Il existe des liens entre la gestion de talents supérieurs et la relève », rappelle Bob Watson, conseiller principal aux ressources humaines de la Banque Royale, région Québec. C’est par l’évaluation annuelle des employés que l’institution financière découvre les personnes à fort potentiel. L’employé réalise d’abord sa propre évaluation de son développement sur le plan des résultats, des expériences, des connaissances acquises et des attitudes. Il fait le point sur ses intérêts et ses ambitions. Il rencontre ensuite son patron. « Cette rencontre annuelle diffère de celles portant sur les objectifs d’affaires, souligne Bob Watson. Il s’agit de prendre un temps d’arrêt et de s’intéresser à l’ensemble de la personne. » Lorsque le patron croit déceler un employé à haut potentiel, il en fait part à son supérieur. Le dossier de l’employé peut ainsi monter jusqu’à la direction centrale de l’entreprise. « La direction canadienne consacre de deux à trois jours par année à l’identification et à l’évaluation des employés à haut potentiel », signale Bob Watson. Le candidat retenu obtiendra un soutien de haut niveau.

Chaque membre du comité exécutif de la banque parraine de 3 à 5 personnes. L’employé bénéficie ainsi d’un mentor. « Le coach et l’employé predront contact régulièrement par téléphone ou lors de rencontres, souligne Bob Watson. L’objectif n’est pas de discuter du travail quotidien, mais d’échanger sur les intérêts de carrière. » « Nous prenons une part active dans l’établissement du plan de carrière de l’employé à haut potentiel, affirme-t-il. Nous développons un plan d’action qui identifiera les défis et les postes que ces personnes peuvent viser dans un horizon de cinq à huit ans. Ils pourront monter deux ou trois niveaux hiérarchiques au cours de cette période. » Ce plan d’action comprendra l’occupation de postes diversifiés au sein de l’entreprise. « Nous souhaitons que les employés à fort potentiel développent une profondeur et une largeur de vision », souligne Bob Watson. De 3 à 5% des employés sont ainsi considérés à fort potentiel. Ce statut n’est pas acquis indéfiniment. L’employé sera réévalué chaque année. « S’il conserve ce statut, il sera éventuellement appelé à occuper les postes de plus haut niveau au sein de l’entreprise. » Le

Forum du président La Banque fédérale de développement a créé le Forum du président il y a deux ans. « Cette initiative fait suite à un sondage auprès des employés qui révélait que les gestionnaires avaient besoin de parfaire leurs habiletés », mentionne Jacinthe Higgins, directrice des stratégies d’apprentissage à la Banque fédérale de développement. L’entreprise souhaitait accélérer le développement de certains employés : ceux qui sont appelés à occuper des postes clés, mais plus largement, les employés à haut potentiel. La façon de faire : placer ces employés face à des défis particuliers, d’où la création du Forum du président. « Le programme consiste à demander à un petit groupe de personnes de résoudre un problème auquel la banque est confrontée, mentionne Jacinthe Higgins Pour ce faire, ils ont le soutien d’experts à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. » Le premier groupe, composé d’une dizaine de personnes, a reçu le mandat d’évaluer la faisabilité de créer un institut du leadership. L’équipe a visité des entreprises canadiennes et américaines. « Ces visites ont aussi favorisé le développement des membres de l’équipe, souligne Jacinthe Higgins. Ils ont bénéficié d’une évaluation multidimensionnelle de la part du président. Il a aussi joué un rôle de mentor. » La deuxième cohorte a évalué comment la BFD pouvait améliorer ses services auprès des PME.

La démarche fut similaire : rencontre de clients, de non clients et étude de ce qui se fait ailleurs. Le bilan de l’expérience? La majorité des gens du premier groupe ont obtenu une promotion. « Le premier groupe nous a montré des approches différentes pour développer les employés à haut potentiel : le programme de transition, affirme Jacinthe Higgins. Nous devons affiner nos évaluations préalables à la nomination de gens sur ces équipes, mieux connaître les facteurs de risques et d’échecs. » Il s’agit d’un projet exigeant puisqu’il s’ajoute aux tâches régulières des individus. La BFD en est actuellement à implanter ce programme de transition. Le Forum du président est mis en veilleuse. « Nous validerons davantage les aptitudes des employés avant de leur offrir une participation au Forum, souligne Jacinthe Higgins. Nous voulons nous assurer que les personnes choisies ont les aptitudes requises pour évoluer de façon accélérée au sein de l’entreprise. »

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