Différente, l’entreprise d’après la crise ?

 

Généralisation du travail à temps partiel, salaires réduits en conséquence, amoindrissement des heures supplémentaires… La crise est passée par là, et a forcé l’entreprise à modifier son organigramme et son fonctionnement général. Le point sur des changements de taille qui pourraient bien, à terme, s’avérer bénéfiques.

 

Plans de rigueur gouvernementaux, pouvoir d’achat en berne, baisse des imports comme des exports, chômage accru, morosité économique et sociétale… Nombreux sont les effets de la crise qui secouent la planète depuis quelques années déjà. Si ces conséquences immédiates ont déjà été largement débattues, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) met désormais le doigt sur une mutation en profondeur opérée au sein même des entreprises. En effet, selon le Rapport mondial sur les salaires 2012/2013, de nombreuses sociétés ont été contraintes d’adopter de nouvelles pratiques professionnelles en réponse à la crise économique mondiale. Salaires, temps de travail et partage des compétences ont ainsi du être repensés, apportant leur lot d’avantages et de francs désagréments.

 

De mornes perspectives salariales

 

Premier point sensible mis en lumière par les conclusions de l’OIT ? A l’échelle planétaire, salaires et nombres d’heures travaillées octroyées aux actifs n’ont pas suivi la dynamique des précédentes décennies. Pour preuve : sur l’année 2011, les salaires n’ont évolué, à travers le monde, que de 1,2% en moyenne. Une hausse bien inférieure à l’inflation, et qui peine à tenir la comparaison avec les 3% d’augmentation moyenne enregistrés avant l’éclatement de la crise économique, en 2007. Globale, cette maigre revalorisation des fiches de paie des travailleurs à l’international cache aussi d’importantes disparités. Et quand l’Occident est à la peine, de l’Amérique du Nord à l’Europe, ce sont les pays d’Amérique latine, des Caraïbes ou encore d’Asie qui permettent de conserver une hausse certes faible, mais toujours d’actualité, des salaires.

 

Une évolution ralentie qui s’explique par l’opportunité moindre d’effectuer des heures supplémentaires ou encore par le recours aujourd’hui massif des compagnies au travail intérimaire ou à temps partiel. Dans le concret, les entreprises de nombreux pays ont fini par remplacer la traditionnelle semaine de cinq jours par des semaines de travail n’excédant pas trois ou quatre journées. Autre solution plébiscitée : la réduction de la durée des journées de travail, passée, au sein de multiples firmes, de dix ou huit heures à six ou quatre heures. Dans l’industrie ou le bâtiment enfin, les cas de périodes chômées se sont généralisés.

 

Le travail partagé et le travail intérimaire, incontournables en entreprise ?

 

Sombres, ces premières conclusions du Rapport mondial sur les salaires 2012/2013 attestent en effet d’une dégradation non négligeable de la richesse et du pouvoir d’achat des actifs à travers le monde. En filigrane semblent se dégager aussi des difficultés toujours préoccupantes pour les compagnies. Pour autant, il ne semble pas que le tableau soit aussi radicalement pessimiste. Car force est de constater que les nouveaux aménagements du temps de travail, outre une source certaine d’économies, sont aussi une parade de choix aux licenciements. En effet, opter pour le partage du temps de travail permet l’obtention d’une réduction de la masse salariale sans forcément avoir à dire adieu à des collaborateurs. Un plan anti-chômage en somme, qui consiste certes à demander aux salariés de se serrer la ceinture.

 

Et si les difficultés économiques encore ressenties par les entreprises obligent parfois à différer des campagnes de recrutement pourtant nécessaires, le travail intérimaire semble être une solution toute trouvée, et adaptée. Ainsi que le déplore Jacques Malenfant, consultant spécialisé en développement organisationnel en gestion des relations de travail et des ressources humaines : « pourquoi limiter la gestion intérimaire à un simple remplacement lorsqu’on peut en retirer un plus grand bénéfice? »

 

Opérationnel, non concerné par les problématiques de démotivation constatées parfois chez les salariés trop longtemps occupés par la même mission, le personnel intérimaire semble avoir beaucoup à apporter au chapitre des compétences et de l’engagement. Une dimension que confirme Jacques Malenfant : « utiliser un gestionnaire intérimaire peut permettre d’injecter du sang neuf dans l’organisation. Il est opérationnel dès son entrée en fonction. Son expérience variée dans divers secteurs d’activité, son expertise du domaine, son vécu organisationnel lui permettent de jeter rapidement un regard critique sur le secteur que vous lui avez confié. Il apporte à l’équipe de gestion une expérience additionnelle et une valeur ajoutée qui permettent de dynamiser l’équipe et parfois de lui redonner l’adrénaline nécessaire. »

 

Mettre les contraintes à profit

 

C’est aussi dans les mentalités que la crise est susceptible de s’être immiscée, et d’avoir enraillé la motivation des employés. Nouvel emploi du temps et salaires peu mirobolants peuvent faire naître l’incertitude et l’inquiétude des salariés, mettant ainsi à mal leur engagement et leur productivité. Mais tout dépend alors de la manière dont sont gérés ces changements. Ainsi que le raconte Pierre Boudreault, CRHA, M. Sc., consultant sénior, IC Formation : « d’octobre 2010 à juillet 2012, une entreprise pharmaceutique du nord de Montréal, récemment acquise par un compétiteur, a fait face à plusieurs scénarios incertains : intégration initialement envisagée, en passant par la vente totale des actifs à la fermeture du site, jusqu’à un nouveau plan de vente partielle et au maintien du tiers des emplois. Malgré ces nombreux rebondissements, la division a connu des records de production et des taux de qualité de produits jamais égalés. Grâce à des pratiques de gestion des ressources humaines innovantes et à la mise en place d’un processus et d’outils pragmatiques d’accompagnement des gestionnaires, on a observé l’émergence d’une attitude résiliente et constructive. Ceci permet, entre autres, d’obtenir un haut niveau de mobilisation des employés, de stabiliser le taux de roulement et de dépasser nettement les objectifs, malgré un contexte d’incertitude intense ». Une illustration positive, dont l’exemplarité trouve écho dans de nombreuses autres entreprises et domaines d’activité.

 

Voilà qui semble finalement offrir un nouvel attribut, inattendu et bienvenu, aux problèmes économique : en dépit des difficultés et des salaires en berne, en forçant à plus de souplesse et d’innovation relative à l’occupation des emploi et à la structuration, la crise aura obligé nombre de firmes à revoir leur copie.

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